Didier Ayres, Cahier, « Fragment XX ou Éminence »

Didier Ayres, Cahier, « Fragment XX ou Éminence »

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Thomas Cole, The Course of Empire: The Pastoral or Arcadian State, 1834.

Le Cahier est issu d’un moment d’écriture qui a pour sup­port un cahier Conqué­rant de 90 pages à petits car­reaux; il est manus­crit jusqu’au moment où je l’écris de nou­veau , cette fois-ci sous la forme d’un texte.
J’y prône la pos­si­bi­lité don­née à l’écrivain de, tout en par­lant de lui, tenir un dis­cours pour autrui.
J’aime la forme “je”, qui a des prin­cipes d’identification aux­quels je prête foi.

Fragment XX ou Éminence 

Pour qui se représente la lumière. Le sentiment d’élévation, gravir.
Comme si la pénombre produisait : la finitude, le souffle physiologique, l’ivresse de l’insomnie. Donc, l’angoisse.

Pour qui se représente la lumière, il faut remplacer la vie par le salut, l’existence par la donation de soi, la valeur basse par la valeur haute.
Là se transforment les échelons, la fameuse échelle qui conduit vers le sublime.

Pour qui se représente la lumière, il faut se laisser toucher par les épées de glace brûlantes qui viennent du surcroît de la chose spirituelle.
Rien ne reste sinon la probité des images, des mots prononcés. Sans eux, pas d’illumination, pas d’éminence.

Vient ensuite la lucidité. Croire, espérer, donner. Y compris le sentiment noir. L’absence, l’abandon, le manque. Le destin capable d’accompagner la raison oblique, celle des éléments inertes.
Le destin qui fait avancer l’espoir. Cette lutte est celle de l’éclat contre le mur noir.

Je pense aussi que pour améliorer, rendre habitable notre demeure intérieure, l’être humain universel ne cesse de partager le vocabulaire, de communiquer des épithètes, seules à même de faire réalité de ce fatum.

Quelle est la vitesse du déroulement du jour combattant la nuit ? On espère midi, puis la fin de l’après-midi, la soirée puis le crépuscule, puis minuit et sa puissance, subjectivement, en ayant simplement conscience de la relativité de ces sentiments de la durée.

Sur ce sommet, rien d’immobile, mais un état intermédiaire de passage, de fixation brève du climax de l’étincellement.
C’est donc la création d’un point de fuite, d’un horizon fuyant mais ne disparaissant jamais. Le matin n’est au mieux que coalescence vers midi, vers la soirée, vers l’ombre nocturne.

Pour moi, dormir revient à poursuivre l’éminence de la force intérieure, par le sommeil qui s’articule en un état de suspension, gazeux, de sens confusionnel, de lâcher prise, de mystère aussi.

Didier Ayres

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