Encore un livre sur les Cent-Jours, pourrait-on dire ! Sauf que celui-ci est écrit par un de nos meilleurs historiens, Charles-Eloi Vial, à la plume élégante, et qui remonte des archives des documents permettant de plonger dans les profondeurs de l’opinion publique française devant cette tentative de retour de Napoléon.
C’est sans doute là l’un des principaux apports de cette étude très dense. Le point commun entre la Restauration et les Cent-Jours réside dans la fragilité du sol sur lequel ils ont été bâtis. Un sol rendu mouvant par les aspirations en apparence contradictoires des Français, lassés de l’épopée napoléonienne et du prix à payer qu’elle leur demandait, à jamais vaccinés contre les horreurs de la Révolution mais, dans le même temps, bien décidés à en préserver certains acquis.
En 1814, Louis XVIII donna l’impression que son retour marquait celui de la féodalité et des seigneurs pour lesquels la masse paysanne et la bourgeoisie éprouvaient une haine profonde. Ainsi son régime fut-il balayé dans un souffle par le retour de l’Aigle. Ce dernier crut amadouer l’opinion populaire en prenant des postures de révolutionnaire, faisant ressortir du passé les fantômes jacobins.
Une partie du pays fut séduite avant d’être très vite déçue : Napoléon, derrière la fiction de son régime libéral, succombait très vite à ses tendances autocratiques. Et surtout il ramenait avec lui la guerre dont plus personne, à part l’armée, ne voulait.
On le sentait, à travers les piètres résultats du plébiscite et la manifestation ratée du Champ de Mai, le cœur n’y était plus, sauf peut-être dans ce monde ouvrier devenu le terreau du bonapartisme populaire dont profitera le neveu. Et puis il y avait, en plus des dupes, les traîtres, les girouettes, et surtout les tièdes, majoritaires et attentistes, tous ces personnages qui accompagnent le lecteur dans cette vaste fresque de laquelle une évidence ressort : le bilan négatif de ces Cent-Jours.
Une défaite terrible pour la France, une éprouvante occupation étrangère, des Alliés vainqueurs encore plus intraitables, une légitimité des Bourbons durement éprouvée, une radicalisation des positions et des règlements de compte et l’impossible réconciliation des Français.
Et au bout du tunnel l’échec désolant de la Restauration et de la monarchie constitutionnelle.
frederic le moal
Charles-Eloi Vial, Histoire des Cent-Jours. Mars-novembre 1815, Perrin, février 2021, 672 p. — 27,00 €.