Charles-Eloi Vial, Histoire des Cent-Jours. Mars-novembre 1815

Le retour raté

Encore un livre sur les Cent-Jours, pourrait-on dire ! Sauf que celui-ci est écrit par un de nos meilleurs his­to­riens, Charles-Eloi Vial, à la plume élé­gante, et qui remonte des archives des docu­ments per­met­tant de plon­ger dans les pro­fon­deurs de l’opinion publique fran­çaise devant cette ten­ta­tive de retour de Napoléon.

C’est sans doute là l’un des prin­ci­paux apports de cette étude très dense. Le point com­mun entre la Res­tau­ra­tion et les Cent-Jours réside dans la fra­gi­lité du sol sur lequel ils ont été bâtis. Un sol rendu mou­vant par les aspi­ra­tions en appa­rence contra­dic­toires des Fran­çais, las­sés de l’épopée napo­léo­nienne et du prix à payer qu’elle leur deman­dait, à jamais vac­ci­nés contre les hor­reurs de la Révo­lu­tion mais, dans le même temps, bien déci­dés à en pré­ser­ver cer­tains acquis.

En 1814, Louis XVIII donna l’impression que son retour mar­quait celui de la féo­da­lité et des sei­gneurs pour les­quels la masse pay­sanne et la bour­geoi­sie éprou­vaient une haine pro­fonde. Ainsi son régime fut-il balayé dans un souffle par le retour de l’Aigle. Ce der­nier crut ama­douer l’opinion popu­laire en pre­nant des pos­tures de révo­lu­tion­naire, fai­sant res­sor­tir du passé les fan­tômes jaco­bins.
Une par­tie du pays fut séduite avant d’être très vite déçue : Napo­léon, der­rière la fic­tion de son régime libé­ral, suc­com­bait très vite à ses ten­dances auto­cra­tiques. Et sur­tout il rame­nait avec lui la guerre dont plus per­sonne, à part l’armée, ne voulait.

On le sen­tait, à tra­vers les piètres résul­tats du plé­bis­cite et la mani­fes­ta­tion ratée du Champ de Mai, le cœur n’y était plus, sauf peut-être dans ce monde ouvrier devenu le ter­reau du bona­par­tisme popu­laire dont pro­fi­tera le neveu. Et puis il y avait, en plus des dupes, les traîtres, les girouettes, et sur­tout les tièdes, majo­ri­taires et atten­tistes, tous ces per­son­nages qui accom­pagnent le lec­teur dans cette vaste fresque de laquelle une évi­dence res­sort : le bilan néga­tif de ces Cent-Jours.
Une défaite ter­rible pour la France, une éprou­vante occu­pa­tion étran­gère, des Alliés vain­queurs encore plus intrai­tables, une légi­ti­mité des Bour­bons dure­ment éprou­vée, une radi­ca­li­sa­tion des posi­tions et des règle­ments de compte et l’impossible récon­ci­lia­tion des Français.

Et au bout du tun­nel l’échec déso­lant de la Res­tau­ra­tion et de la monar­chie constitutionnelle.

fre­de­ric le moal

Charles-Eloi Vial, His­toire des Cent-Jours. Mars-novembre 1815, Per­rin, février 2021, 672 p. — 27,00 €.

 

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