Détruire le silence pour empêcher la parole
Meier fait fondre la boue noir de Beckett dans sa bouche en récapitulant tout ce qu’elle charrie ou noie. L’auteur reprend donc le “quaqua” de Beckett, son murmure, ses farfouilles.
En bribes se crée une musique de sur-vivance tant que la bouche émerge encore avant de manger la boue en se noyant. Car ce ou celui qui fut ne fut peut-être pas, ne peut se rêver.
Et Meier stocke ce qui pour Beckett ne revenait pas à sacrifier à la recherche originelle d’une vérité première mais à prolonger un secret destiné à demeurer silencieux.
Ecrire la boue devient ici l’acte majeur de garder le silence en le soulignant, fidèle à un effroi premier de l’Irlandais que Meier reprend car il faut le “reproduire” pour le justifier plus que pour le désavouer.
Un tel duo dans ce livre détruit donc le silence pour empêcher la parole.
Existent donc deux aphasiques parleurs d’un genre particulier. Parler de boue est leur seule manière de dire. En allant jusqu’au bout. Parler sans commencement ni fin là où l’infini ressassement laisse place sinon au silence du moins à l’image, à l’image du si peu qui ouvre le livre, là où “Comment s’est” peu à peu se dissout.
jean-paul gavard-perret
Samuel Beckett, Comment c’est murmure dans la bouche & Richard Meier, Je les dis comme je les entends (du noir de la boue), Editions Voix, Elne, avril 2021, non paginé.
Richard Meier is the best comme Tina Turner face à l’oeuvre au NOIR de leur vie respective et des sombres écrits de Beckett . Trio sans afféteries ” en allant jusqu’au bout ” . Et JPGP se dissout avec volupté dans l’irlandais et celui qui dit comme il entend .