L’intrigue de La Chasse s’inscrit dans une enquête policière de type classique, telles celles menées par de nombreuses équipes sur le territoire. Le romancier détaille le quotidien des policiers, les outils dont ils peuvent disposer, les éléments qu’ils peuvent recueillir dans différents fichiers.
Il expose les rapports entre collègues, avec les journalistes, les avocats, la hiérarchie. Il relate le poids de l’information, celles dévoilées dans la presse, les emballements des réseaux sociaux et la gêne que cela peut occasionner pour la traque des indices.
L’auteur éclaire de belle manière ce qui est trop minimisé, voire caché. Des femmes et des hommes se dépensent pour protéger une société et sont mis au ban de celle-ci quand ils ne sont pas plus gravement mis en accusation. Certes, en ayant une population de forces de l’ordre équivalent aux habitants de Dijon ou du Havre, on trouve toutes les attitudes, toutes les opinions, les bonnes comme les mauvaises, voire les très mauvaises.
Parallèlement, le romancier fait part des souffrances ressenties par les proches de ceux qui sont tués, le chagrin des parents car un fils ou fille quel que soit leur conduite, reste un fils ou une fille pour une mère.
En pleine nuit, au mois d’octobre, un homme nu court dans la forêt pour tenter de sauver sa vie.
Sur une petite route de l’Ariège, bien au sud de Toulouse, l’infirmier rentre de son service à l’hôpital pour retrouver sa famille. Il vient de passer deux heures heureuses dans les bras de Christine. Soudain, quelque chose surgit de la forêt, il voit les grands bois d’un cerf avant de le heurter violemment. Mais c’est un homme qu’il vient de percuter. Martin Servaz et Samira Cheung se rendent sur les lieux. Sur place Fatiha Djellali, médecin légiste, opère. Il s’agit d’un jeune homme noir que l’on a coiffé d’une tête de cerf. Il a été tué par le choc. Gravé ante mortem au fer rouge, sur la poitrine, il porte : JUSTICE.
Très vite, ils identifient le défunt, un délinquant notoire. En suivant ses antécédents, ils découvrent sa participation à un viol collectif sur mineure. Il n’a pas été condamné à cause d’un vice de procédure. Ils rendent visite à sa famille, sont surpris de trouver un grand frère au courant de données confidentielles. C’est une journaliste qui les a informés. En repartant, ils se font agresser et ne doivent leur salut qu’à une fuite rapide. Mais juste avant, contre une information, la journaliste lâche un fait essentiel. Le jeune rencontrait souvent un Blanc…
Bernard Minier retient pour cadre la ville de Toulouse et l’Ariège dont il fait une description qui donne envie d’y faire du tourisme. Il intègre nombre de données, d’informations, de remarques et place son écrit dans une actualité brûlante en matière de délinquance mais aussi de pandémie, faisant porter des masques aux intervenants. Il multiplie avec maestria les coups de théâtre, les problèmes tant professionnels que personnels pour les protagonistes.
Mais pourquoi faut-il que les auteurs de romans continuent de minimiser le rôle des femmes ? Dans la très grande majorité des polars, dans les équipes policières les femmes sont lieutenant derrière UN commandant, UN capitaine. Pourquoi Samira Cheung ne serait-elle pas capitaine, voire commandant ? Telle qu’elle est décrite, elle peut parfaitement, en arrangeant peut-être son look, diriger un groupe de la PJ.
Une fois encore, Bernard Minier signe une intrigue subtile, étayée de belle manière, une enquête qui tient en haleine jusqu’à un dénouement inattendu, quoi que !
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serge perraud
Bernard Minier, La Chasse, XO Éditions coll. “Thriller et policier”, avril 2021, 484 p. – 21,90 €.