Ursula Knobel fait figure de pionnière dans le dessin de notre temps. Libre, ironique, elle transforme son art par la force de ses traits et sa manière de traiter les couleurs par l’aquarelle. Chaque dessin par son aspect minimaliste crée un magie souvent ironique. Mais il ne faut pas voir là un art de la caricature. L’ambition de la Suissesse est bien plus large.
Reste toujours un effet “Champagne !” dans le retentissement d’oeuvres aussi explicites qu’implicites là où tout garde une puissance esthétique et symbolique. La Zurichoise qui se dit “vieille” reste d’une jeunesse rare.
Ses dessins colorés flottent sur le support papier en des jeux d’équilibres et de déséquilibres
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La vitalité et la curiosité.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Découvrir le mystère de la vie, c’est mon rêve jusqu’à aujourd’hui.
A quoi avez-vous renoncé ?
L’intrigue et le mensonge.
D’où venez-vous ?
Je suis une manifestation du grand tout, comme un champignon d’un gros mycélium.
Qu’avez-vous reçu en “héritage” ?
Etre en quête d’aventures, le sens du devoir, la compassion, le nomadisme, la joie de la découverte.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Pourquoi petit ? Je veux que chaque jour soit un grand plaisir.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Au fond rien et en particulier tout.
J’essaie de franchir les limites du connu, de me surmonter, de m’arracher à mon inertie et à mes déterminations. Je veux être une touriste dans mon propre pays.
Peindre, c’est voyager : la perception est accentuée. Je me sens en ouverture euphorique dans laquelle tout ce qui est nouveau est accueilli avec une douce sensibilité et une profonde gratitude. J’ai l’impression de participer, d’être aussi grande et vaste que le tout.
Comment définiriez vous votre approche du dessin ?
Les idées me gêneraient pour dessiner.
L’idée m’empêche d’y aller.
Je m’accroche à elle.
Je suis tombée du moment
et ne peut plus dessiner
ce que la feuille exige de moi.
Seulement quand je suis libérée des idées, je peux commencer à travailler.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
L’une de mes premières images : je me souviens d’une tache claire, tout autour sombre. l’image est légèrement teintée, pas tout à fait noir et blanc.
Et votre première lecture ?
J’ai beaucoup lu quand j’étais enfant, d’abord des livres pour filles, puis tous les livres sur Winnetou de Karl May.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Anouar Brahem, Nasser Shamma, Ali Akbar Khan, Jan Garbarek, Elena Ledda, Anja Lechner, Keith Jarrett, Pablo Casals…..
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Oceano mare » d’Alessandro Baricco, « Noces » (Hochzeit des Lichts) d’Albert Camus.
Quel film vous fait pleurer ?
“Sister Act” un film d’Emile Ardolino, 1992, “Bab Aziz” un film de Nacer Khemir 2006.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Il y a toujours une différence entre la sensibilité et ce que je vois.
Je ne vois pas moi-même, aujourd’hui, je vois une vieille femme.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Cy Twombly.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La Méditerranée.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Ethel Adnan, Cy Twombly, Deepak Chopra, John Cage, Jean Gebser, Jean-Michel Basquiat.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Je souhaite une invitation à une exposition de mes œuvres dans un musée important.
Que défendez-vous ?
Je prends toujours position pour les « outsiders ».
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Cher Lacan, vieux provocateur, chaque être vivant a de l’amour. C’est la force essentielle de la vie, et chaque être vivant en veut plus.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Cela dépend de la personne, je répondrais ainsi à quelqu’un en qui j’ai confiance.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Que pensez-vous qu’il y a après la mort?
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelittteraire.com, le 24 avril 2021.