Jean-Marc Le Page, La bombe atomique. De Hiroshima à Trump

Le ter­ri­fiant champignon

Affir­mer que l’arme nucléaire a empê­ché la Guerre froide de dégé­né­rer en conflit direct et apo­ca­lyp­tique – et que ce fai­sant elle a sauvé la paix – est devenu depuis long­temps un lieu com­mun.
Et c’est contre cette évi­dence qui n’en est pas une que Jean-Marc Le Page se lève dans un livre clair et acces­sible por­tant sur la bombe ato­mique depuis 1945 jusqu’à nos jours.

En effet, comme l’a déjà démon­tré Georges-Henri Sou­tou dans ses propres tra­vaux, la bombe nucléaire a bel et bien rendu le conflit Est-Ouest bien plus dan­ge­reux en met­tant à plu­sieurs reprises le monde au bord du pré­ci­pice et de la des­truc­tion totale. A tra­vers plu­sieurs de ces crises, l’auteur explique que si l’usage du nucléaire a été sys­té­ma­ti­que­ment exclu pour en sor­tir, l’hypothèse d’une uti­li­sa­tion est plus d’une fois venue sur la table.
Par des mili­taires ou par des poli­tiques, par­fois de haut niveau, comme lors de la guerre d’Indochine. Sou­vent des coups de bluffs (Suez, Taï­wan), mais pas toujours.

De MacAr­thur à Mao, en pas­sant par Cas­tro, bien des res­pon­sables ont poussé à une guerre réglant son compte à l’adversaire. Certes, Ken­nedy et Khroucht­chev ont géré la crise de Cuba avec un sang-froid remar­quable mais, comme l’explique Jean-Marc Le Page, le dan­ger se situait dans les niveaux inter­mé­diaires où un ordre mal exé­cuté ou une mal­heu­reuse ini­tia­tive per­son­nelle pou­vait tout faire basculer.

On apprend beau­coup sur les ten­sions autour de Taï­wan, sur les ten­sions très vives sino-soviétiques de 1969 en Sibé­rie et sur la grande peur de Mos­cou de 1983. De sur­croît, en por­tant l’analyse jusqu’à nos jours, l’auteur rap­pelle la dan­ge­ro­sité de la pro­li­fé­ra­tion nucléaire en même temps que sa propre neu­tra­li­sa­tion. Car la Corée du Nord serait bien mal ins­pi­rée de faire usage de ses beaux mis­siles en s’exposant à une vitri­fi­ca­tion com­plète et immé­diate.
Plus dan­ge­reux serait un usage ter­ro­riste du nucléaire qui ren­drait la dis­sua­sion inopé­rante : contre quel Etat alors se retour­ner ? On est là au cœur du pro­blème iranien.

Bref, cette arme ter­ri­fiante n’a pas fini de ter­ro­ri­ser l’humanité.

fre­de­ric le moal 

Jean-Marc Le Page, La bombe ato­mique. De Hiro­shima à Trump, Passés/Composés, février 2021, 320 p. — 22,00 €.

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