La problématique d’un tel livre tient dans un paradoxe : concentrer l’œil sur presque rien pour permettre à l’imagination de fonctionner à plein.
Au besoin, le lecteur pour se repérer tente de chercher des éléments habituellement centraux mais qui lui font défaut en de telles métamorphoses de la nature.
Louise Glück y fait entendre à la fois la voix des fleurs interpellant leur Créateur comme la sienne se penchant sur sa Création, et la voix humaine interrogeant sa propre finitude non sans échos métaphysiques. Ceux-ci ne sont pas — on s’en doute — une commodité de la conversation mais sa complication.
Ou si l’on préfère la charnière de toutes les oppositions dans l’extinction d’une voix de clairon et la possibilité d’une parole qui, si — comme chacune d’entre elles — elle demeure forcément incomplète, signale un manque.
Cette parole poétique cherche à joindre quelque chose qui normalement l’altère : un goût pour la fiction et la narrativité. Chaque poème devient une histoire courte et ce, afin de mieux “prendre” le lecteur par un hameçon mais où ce qui est exclu généralement des fictions pénètre la parole de la manière la plus simple et radicale qui soit.
Dès lors, tout se porte sur un exercice de mémoire personnelle voire sur une dimension extratemporelle. Elle apparaît à travers des textes qui laissent dans une certaine zone de latence. Le vide crée donc un plein et la langue trouve en chaque poème des jeux d’assonances pour rappeler que le temps n’est donc pas absence ou nullité.
Il reste peut-être le meilleur des biens par-delà les vertus et croyances toujours plus ou moins obligées et qu’il convient de réviser.
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jean-paul gavard-perret
Louise Glück, L’Iris sauvage (The Wild Iris), trad. de l’anglais (États-Unis) par Marie Olivier, Édition bilingue, Gallimard, Du monde entier, 2021, 160 p. — 17,00 €.