Dictionnaire Flaubert , sous la direction de Éric Le Calvez

Bicen­te­naire de Flau­bert : un Dic­tion­naire monumental !

Le bicen­te­naire de la nais­sance de Flau­bert ramène sur le devant de la scène sa der­nière entre­prise lit­té­raire – hélas inache­vée –, le fameux Dic­tion­naire des idées reçues, qui devait être pro­posé par ses per­son­nages Bou­vard et Pécu­chet pour for­mer la deuxième par­tie du roman homo­nyme qui les met en scène.
C’est donc un défi à l’équipe orga­ni­sa­trice, puisque Flau­bert notait : « Dic­tion­naire : en rire – n’est fait que pour les igno­rants ». Loin de s’en tenir à ce constat d’échec annoncé – il ne faut tout de même pas col­ler de trop près à Flau­bert ! –, les auteurs pro­posent ici un magis­tral ouvrage de près de 1.300 notices.

Le fort volume est divisé en cinq sec­tions ; une pré­sen­ta­tion en éclaire d’abord l’ambition : si l’œuvre de Flau­bert paraît à pre­mière vue modeste par rap­port à un Hugo ou un Bal­zac (moins d’une dizaine de titres ache­vés en vingt-cinq ans de car­rière), d’une part elle se double d’une foule de pro­jets et de textes de jeu­nesse moins connus, d’une cor­res­pon­dance abon­dante (cinq épais volumes dans la col­lec­tion de « La Pléiade » chez Gal­li­mard).
D’autre part, à l’opposé de l’image de séden­taire qui lui colle à la peau, Flau­bert a beau­coup voyagé (France, Angle­terre, Suisse, Ita­lie, Bel­gique, Alle­magne, Orient) ; et tou­jours à l’opposé de l’image d’ours ou de misan­thrope qu’on lui accorde, il a beau­coup fré­quenté les salons et pra­ti­qué les mon­da­ni­tés, notam­ment sous le Second-Empire. Les autres notices concernent des aspects de son œuvre, bio­gra­phiques, sty­lis­tiques, etc.

S’ajoute un « mode d’emploi », qui donne les réfé­rences d’usage pour le ren­voi aux œuvres, les abré­via­tions usuelles, et la liste des contri­bu­teurs (moins d’une ving­taine pour cet ouvrage volu­mi­neux). Le troi­sième élé­ment est une chro­no­lo­gie de 12 p. qui per­met de resi­tuer la vie de Flau­bert en contexte ; c’est un ajout utile, à mon sens.
Viennent ensuite les notices pro­pre­ment dites, de « Abou Sim­bel » à « Zola, Émile », ces deux entrées don­nant déjà la dimen­sion de l’ouvrage…

Une biblio­gra­phie sélec­tive – véri­table gageure lorsqu’elle est de l’ampleur de celle consa­crée à Flau­bert – est pro­po­sée en fin de volume : elle est clas­sée en sources pri­maires, et dans cette sec­tion, par œuvres, ce qui est très utile car d’accès immé­diat ; puis en lit­té­ra­ture cri­tique, par ouvrages et articles, clas­sés cette fois par nom d’auteur. Une der­nière page com­plète les infor­ma­tions avec les res­sources d’Internet, bien déve­lop­pées ces der­nières années, notam­ment par l’Université de Rouen, sous la hou­lette du Pr. Yvan Leclerc.

Pour don­ner une idée du fonc­tion­ne­ment du dic­tion­naire, la notice sur Alfred Le Poit­te­vin, ami intime de Flau­bert, ren­voie au fil du texte aux entrées sui­vantes dans l’ouvrage (indi­quées par un asté­risque) : Col­lège Royal, Droit, Paris, Famille, Mariage, Lit­té­ra­ture, Vie, Ami­tié, Théâtre, Hôtel-Dieu, Cor­res­pon­dance, Rup­ture, Roman­tisme, Sha­kes­peare, Horace, Rabe­lais, Byron, Béran­ger, Phi­lo­so­phie, Spi­noza, His­toire, Forme, Gœthe, Misan­thro­pie, Ours, Gar­çon, Maté­ria­lisme, Bour­geois, Excès, Mau­pas­sant (Guy de), Sou­ve­nir, Bleu : c’est dire que la navi­ga­tion dans l’ouvrage pro­pose un flot de res­sources tou­jours propres à faire décou­vrir un aspect inconnu ou inat­tendu, comme ici la notice sur la cou­leur, qui en rejoint d’autres (gorge-de-pigeon, par exemple).
Les entrées se com­plètent d’autres cor­ré­lats en fin de notice, ou d’une indi­ca­tion biblio­gra­phique spécifique.

Il s’agit ici d’un ouvrage impor­tant, qui sera propre à ravir l’amateur de Flau­bert, et qui sera aussi un outil utile à l’étudiant, au cher­cheur, à l’historien. Dans le cadre du bicen­te­naire de Flau­bert, France Culture a pro­posé le samedi 17 avril une jour­née Flau­bert, dont les émis­sions sont acces­sibles sur le site de la radio ; Madame Bovary est en feuille­ton ces jours-ci, de 20h30 à 21h, du lundi au ven­dredi.
Les édi­tions Gal­li­mard publie­ront à la mi-mai les tomes IV et V des Œuvres com­plètes de Gus­tave Flau­bert, met­tant un point final à l’édition magis­trale entre­prise par Cl. Gothot-Mersch et alii, pour suc­cé­der à celle d’A. Thi­bau­det, assez datée depuis les avan­cées de la cri­tique génétique.

yann-loic andre

Dic­tion­naire Flau­bert, sous la direc­tion de Éric Le Cal­vez, Paris, Gar­nier, 2020, 1264 p. — 68,00 €.

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