Laisser place à l’amour échevelé
Patrizia Valduga (née en 1953 à Castelfranco Veneto) vit à Milan et est une des voix importantes de la poésie italienne où tout se joue entre Eros et Tanathos. Inspirée par Rebora, Pascoli, Montale et surtout Giovanni Raboni (dont elle était la compagne), sa poésie joue à la fois d’une économie de moyens et ose une certaine facture baroque précieuse jusque dans sa confrontation à la forme fixe : sonnet, quatrain, huitain.
L’auteure est peu connue en France et on attend encore la traduction de recueils tels que Medicamenta e altri medicamenta, Prima Antologia ou Il libro delle laudi. Ces Cent quatrains érotiques (1997) deviennent le théâtre visuel et érotique d’une femme qui exprime en duo toutes les nuances et les forces de son amour passion.
Le tout en une seule et longue nuit où une femme et un homme font se rencontrer leurs corps, leurs mots, leurs esprits.
Deux voix distinctes prennent la parole dans ce recueil vibrant : elles monologuent ou se répondent d’un poème à l’autre. Tantôt triviale, tantôt imprégnée de lyrisme. Si bien que la poésie de Patrizia Valduga entraîne dans un monde de désir, de jeu, d’une certaine violence.
Et aussi d’épuisement et de tendresse.
L’irruption du corps et le sexe sont donc essentiels dans ce livre où s’abrège la distance entre la femme et son fruit.
Le tout en une langue tendue, archaïque juste ce qu’il faut et loin des chauves rhétoriques pour laisser place à l’amour échevelé.
jean-paul gavard-perret
Patrizia Valduga, Cent quatrains érotiques, éditions Nous, Paris, 2021.