Le nouveau roman de Rachel Abbot rend habilement hommage aux intrigues d’Agatha Christie, en confrontant une bande d’amis à un crime dans le cadre d’un murder game géant.
Elle reprend un de ses personnages, Stephanie King, un officier de police au flair aiguisé, dont on a fait la connaissance dans Ce qui ne tue pas, un roman qui était très réussi.
Pourtant, ce n’est pas elle qui est mise en avant, mais plutôt Jemma, la narratrice principale de ce murder game. “(…) En dépit de toute raison, j’ai décidé de jouer ce soir car il faudra peut-être, pour arrêter cette histoire avant qu’elle ne parte en vrille, que quelqu’un qui ne fait pas vraiment partie du groupe et ne partage pas son passé y participe. Leurs vies sont si étroitement liées. Ils prétendent être proches mais leurs relations sont plus complexes que cela : il y a de la jalousie entre eux, du mépris, des déceptions – tout un ensemble de sentiments qui tissent leur toile autour de nous tous. Le danger flotte dans l’air et je ne peux l’ignorer. (…)”
Pièce rapportée dans ce huis clos amical, Jemma a épousé Matt, l’un des fidèles copains du charismatique et riche Lucas Jarrett. C’est tout naturellement qu’elle est donc conviée au mariage de Lucas à l’impressionnant manoir de Polskirrin, en Cornouailles. Un site magnifique où Lucas doit officialiser son union avec Nina autour de ses amis d’enfance.
Mais la cérémonie n’aura jamais lieu, quand on retrouvera le corps d’Alex, la jeune sœur de Lucas, échoué sur la plage de galets, en contrebas du manoir.
Un an plus tard, Jemma et Matt sont à nouveau conviés à Polskirrin, et se demandent pourquoi Lucas tient autant à célébrer le premier anniversaire de noces qui ont laissé un souvenir funeste dans les mémoires des invités. La réponse leur est rapidement livrée le soir de leur arrivée : Lucas a décidé de mettre en scène un murder game reprenant les circonstances exactes du soir de la mort de sa sœur : mêmes tenues, même repas, mêmes lieux… chacun doit reprendre le rôle exact qu’il tenait ce soir-là !
Mais dans quel but exactement ? Quels secrets inavouables Lucas veut-il mettre à jour ? De plus en plus terrifiée par l’ambiance de ce nouveau séjour au manoir, Jemma assiste, impuissante, au démantèlement des amitiés nouées dans le passé, mais se retrouve de plus en plus impliquée dans ce macabre jeu, qui ne peut connaître qu’un dénouement impitoyable.
Rachel Abbot a pris depuis quelques années une place méritée parmi les reines du Thriller anglais, et nous livre une fois encore une intrigue saisissante, bien ficelée. Sur le mode d’un ‘whodunnit’ (‘qui a fait quoi ?’) à la Agatha Christie, pionnière du genre. Elle déploie l’éventail de son talent en semant le doute à chaque page sur les motivations de chacun, et leur véritable personnalité. Elle nous met face aux tourments intérieurs de ses personnages, et nous fait vite oublier leur innocence.
Après un démarrage assez laborieux, les chapitres assez courts donnent un rythme plus rapide à la narration, et le roman reprend les codes efficaces d’un page-turner pour nous amener avec une impatience croissante vers une fin assez imprévisible, mais qui manque pourtant un peu de crédibilité sur les circonstances exactes du drame.
Cependant, il n’y a rien à redire sur la personnalité travaillée et ciselée des personnages, sur le mobile du ‘meurtrier’ et sur l’intrigue en elle-même qui maintient Rachel Abbot parmi les maîtres du genre.
On attend déjà impatiemment son prochain livre.
franck boussard
Rachel Abbott, Murder Game, Belfond Noir, mars 2021, 400 p. — 20,00 €.