Un bel éclairage sur un événement fondateur
Le 27 novembre 1095, à Clermont, au centre des Gaules, le pape Urbain II prononce un discours aux conséquences stupéfiantes. Au pied du Puy-de-Dôme, dans un champ, le prélat lance un appel radical aux armes, engageant les hommes ayant une expérience militaire à aller à Jérusalem. Et moins de quatre ans plus tard, le 7 juin 1099, des chevaliers occidentaux campent devant les murs du lieu saint s’apprêtant à délivrer la ville des Turcs. Elle est conquise le 16 juillet.
Le discours est si vibrant qu’il suscite un enthousiasme immodéré. Des personnalités veulent participer tels Raymond de Toulouse, Godefroy, duc de Lorraine…
Le trajet de milliers de kilomètres a entraîné des souffrances, des épreuves épouvantables. Sur les 70 à 80 000 hommes, à peine un tiers aurait atteint le but. L’évaluation des victimes de l’expédition est difficile entre ceux qui ont trouvé la mort sur les routes, les victimes de maladies, tués lors de rixes en cours de voyage, la faim, la soif. Il y a du cannibalisme.
Mais cet événement trouve sa source dans une série de divisions qui ont déchiré la chrétienté avec des individus à Rome, à Constantinople se revendiquant l’héritier du trône de saint Pierre. Alors qu’Urbain réunit un concile pour traiter d’affaires ecclésiastiques, une nouvelle va bouleverser les choses. L’empire byzantin, est au bord de l’effondrement. Alexis Ier Comnène a besoin d’aide. Il envoie une délégation qui rencontre Urbain en mars 1095 à Piacenza. Ce dernier voit l’occasion de se positionner en unificateur et seul maître…
Cependant, cette première croisade est un événement historique bien connu car elle a fasciné les auteurs de l’époque. Elle a également fondé un futur. C’est de cette croisade qu’ont jailli les idées et les structures qui façonneront l’Europe jusqu’à la Réforme, tel l’accroissement du pouvoir papal, la confrontation entre la chrétienté et l’islam, l’évolution des concepts de guerre sainte, de piété, de dévotion, l’émergence des États maritimes italiens, l’établissement de colonies au Moyen-Orient et les apports de civilisations…
L’historien propose une étude approfondie des racines de cette croisade, la préparation et le déroulement des opérations, la conquête, puis les suites et les conséquences. L’auteur raconte avec force détails cet événement, enfin la suite d’événements qui ont marqué et composé cet exploit. En effet, il faut imaginer la logistique pour approvisionner une telle armée tout en maintenant l’ordre et la discipline. On peut parler d’exploits.
Trois des plus grandes villes de la Méditerranée orientale, qui deviendront des pierres angulaires de la chrétienté, ont été conquises en deux ans : Nicée, Antioche et Jérusalem.
Peter Frankopan livre une somme colossale d’informations, toutes plus affinées les unes que les autres tant sur les grandes orientations politiques, les conflits de pouvoir, les ambitions que sur les petits points du quotidien. Il propose une vision éclairée et éclairante de cet événement qui fut à l’origine de nombre de bouleversements dont certains impactent encore aujourd’hui.
Un remarquable travail qui se lit comme un thriller tant les événements sont tendus et les combats, conquêtes et complots sont nombreux.
serge perraud
Peter Frankopan, La première croisade — L’appel de l’Orient (The First Crusade), traduit de l’anglais par Pascale Haas, Perrin, coll. “Tempus” n° 825, janvier 2021, 432 p. – 9,00 €.