Conquérir le miracle de devenir
Il est surprenant d’avoir choisi une photographie plutôt peu avenante (même si l’éditorial de Daniel Chinaski la justifie ) en page de garde et donc pour ouvrir une thématique ambitieuse et rare surtout en une époque où l’on parle plus de mort que de vie. 35 photographes et écrivains l’illustrent.
Question écriture, les femmes — sans doute parce qu’elles savent bien plus de quoi il retourne — livrent les textes les plus importants.
Florence White avec “La poche des eaux”, Anélie Guyot (“Cherche dans la marge ce qui se cache au milieu”), Marie-Philippe Deloche (“Naissances d’automne”) donnent aux premiers instants — même hors de saison — des couleurs chaudes et avivent les heures de certains après-midis.
Les hommes ne sont pas forcément en reste. Cauda remonte aux origines par l’entremise de son “Monsieur Parceque”. Néanmoins, les photographies restent ici parcimonieuses.
Nous aurions pu nous attendre à plus et à mieux même si Pauline Marzanasco sauve la mise parfois avec un vérisme puissant, parfois avec des images plus esthétiques mais convenues.
L’ensemble reste disparate. Plus resserré, il aurait gagné en force et cohérence. Certaines histoires restent parfois banales mais les poésies sauvent la mise.
Plus que le langage visuel et les nouvelles, elles créent un monde en blanc, un monde en noir où subsistent des indices majeurs.
Loin de toute propension océanique, le monde demeure ici impénétrable, énigmatique. Et c’est ce qui donne à cet ensemble une respiration première d’aventure inquiète mais où une sagesse en action crée un gisement de fraîcheur.
Les approches soulèvent le plus souvent le carcan des habitudes.
Sortant du coeur des ténèbres, des textes entretiennent une relation native que nous cherchons toujours à explorer.
Là où, par la naissance, l’être est prêt à conquérir son miracle de devenir.
jean-paul gavard-perret
Naissances, revue Pourtant, n° 2, Paris, avril 2021, 194 p. — 19,00 €.
Un grand grand merci Jean-Paul pour votre lecture attentive et exhaustive de ce n°2 et pour votre billet. Le mot vérisme que vous employez pour le travail de Pauline est stimulant, elle travaille sur le corps. Gilles de la revue Pourtant