Dans les forêts, au bord des lacs, toute une population se croise, campeurs, pêcheurs, agents des collectivités en charge de cette nature qu’il faut protéger. Mais chacun porte des fractures, des blessures en voie de cicatrisation ou encore béantes.
Avec une galerie restreinte de personnages, Maureen Martineau met en scène une intrigue rouée tout en faisant une large place à cette nature flamboyante, nature qui comporte son lot de dangers, de prédateurs, dont les plus dangereux ne sont pas ceux à qui on pense en premier.
L’auteure s’appuie sur différentes façons d’aborder un deuil, sur les regrets qui étouffent, les remords qui rongent parce que les événements auraient peut-être pu tourner autrement sans ces actes manqués, ces refus, ces omissions… Elle évoque également le ressentiment des natifs qui voient la terre qui leur appartenait, celle de leurs ancêtres, leur échapper et qui doivent se soumettre à des lois, des contraintes dont on a pris soin de les écarter de leur élaboration.
En Haute-Mauricie, au Québec, une femme se meurt engluée dans un marais. Elle a été agressée, violée et assassinée. Elle pense à Lorie, sa fille, et s’angoisse de la laisser seule. Une ourse dédaigne cette viande encore fraîche.
Un an plus tard, Lorie prépare le matériel de camping. Elle veut partir sur les lieux où elle allait depuis des années, avec sa mère, pour se recueillir, communier avec la défunte. Elle culpabilise car elle aurait dû être avec elle sans cette fête anniversaire où elle s’était, d’ailleurs, bien ennuyée.
Par le train, André Chillas rejoint son poste à la zec La Croche, un emploi de protection de la faune. Il surveille la vieille Mikona Awashish, persuadé qu’elle va braconner. Mais, elle rejoint sa fille Sylvette. Elles ont perdu Daisy, leur adolescente, et le gibier qu’elles veulent traquer…
Au poste de police de La Tuque, après des mois d’enquête stérile, Gilles Morneau a rendu les effets d’Agathe à Lorie. On ne lui avait rien volé avant de l’assassiner. Lorie arrive, en taxi, sur les lieux où sa mère et elles ont tant séjourné, où Agathe est morte. Elle va camper seule dans un endroit isolé.
Et l’ourse, qui porte des petits, cherche désespérément de la nourriture pour grossir et passer l’hiver…
Avec une écriture efficace, un vocabulaire fleuri de ces vocables, de ces expressions québéquoises, la romancière mène son récit sans temps morts jusqu’à une conclusion forte, amenée de belle manière.
Entre chasse, deuils et vies brisées, Maureen Martineau signe un roman en tension porté par un groupe de personnages qui restent en mémoire, comme cette nature sauvage où ils évoluent le temps de drames.
serge perraud
Maureen Martineau, Le silence des bois, L’aube, coll. “L’aube Noire”, avril 2021, 176 p. – 16,00 €.