Le livre, pour ne pas dire le manifeste, de Rod Dreher résonne aux oreilles comme un alarmant diagnostic, un vibrant avertissement et un salutaire espoir.
Un diagnostic alarmant car l’auteur voit, comme tous les autres esprits lucides, la mise en place d’un soft totalitarisme, issu de la pensée libérale-libertaire, baigné de progressisme, épris d’une prétendue justice sociale et raciale, irrigué de religiosité inquisitoriale. Les premiers à s’en apercevoir et à alerter Rod Dreher sont les anciennes victimes du communisme d’Europe de l’Est et de Russie, réfugiés à l’Ouest, et qui voient avec effarement les démocraties libérales muter vers un type de régime qu’ils ne connaissent que trop bien.
Ces évolutions, notons-le, avaient été perçues dès 2001 par Eric Werner dans un court mais prophétique livre intitulé… L’après-démocratie ! Ce ne sera ni l’URSS ni la RDA, mais un Occident asservi par la puissance des technologies de surveillance et par l’adhésion des grands groupes capitalistes à cette idéologie mensongère.
Le vibrant avertissement est lancé aux chrétiens : ils seront les victimes de ce soft totalitarisme. Parce qu’ils défendent ce qui est traditionnel, et même immortel dans l’être humain ; parce qu’ils refusent le règne de l’individu-roi, contestent le nihilisme général, nient la réduction de l’homme à une race, à une sexualité, à un statut économique. En fait, parce qu’ils sont un signe de contradiction.
Le soft totalitarisme, écrit l’auteur, « voit les chrétiens comme le dernier obstacle à la Grande Marche [du progrès], comme les porteurs de croyances vermoulues qui empêchent les gens d’être libres et heureux. » Et l’auteur de prévenir : « Où que nous nous cachions, ils nous traqueront, nous trouveront et n’hésiteront pas à nous punir. » La lutte sera d’ailleurs d’autant plus dure que ce seront deux religions qui s’affronteront : celle du Christ et celle du progrès. Mais tout cela n’a-t-il pas commencé en 1789 ?
Or, il reste un espoir, celui appris des dissidents de l’Est. Ce qu’il faudra défendre ? La mémoire et l’histoire, la famille et l’école, la religion et les solidarités, toutes ces cellules de résistance qui protégeront pas de la souffrance mais aideront à la supporter. On l’a compris, Rod Dreher ne cache pas l’immensité de la tâche à accomplir car, note-t-il avec lucidité, « la guerre culturelle est pour ainsi dire terminée, et nous l’avons perdue. »
Raison de plus pour résister. Au nom de la Vérité.
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frederic le moal
Rod Dreher, Résister au mensonge. Vivre en chrétiens dissidents, Artège, avril 2021, 232 p. — 12, 99 €.