Didier Ayres, Cahier, “Fragment X ou La lumière”

Claude Monet, Impres­sion, soleil levant, 1872

Cahier, “Frag­ment X ou La lumière”

Le Cahier est issu d’un moment d’écriture qui a pour sup­port un cahier Conqué­rant de 90 pages à petits car­reaux; il est manus­crit jusqu’au moment où je l’écris de nou­veau , cette fois-ci sous la forme d’un texte.
J’y prône la pos­si­bi­lité don­née à l’écrivain de, tout en par­lant de lui, tenir un dis­cours pour autrui.
J’aime la forme “je”, qui a des prin­cipes d’identification aux­quels je prête foi.

Comment qua­li­fier la lumière ? Est-elle dense ou faite de dif­fé­rents tons ? Et com­ment décrire la lumière noire, venue sans doute des trous noirs ?
Ainsi elle irait de l’encre, l’ombre, en inver­sant la suite lente et endor­mie de la pen­sée de la lumière.

Comment dis­tin­guer le noir, néces­saire à l’attribution de l’éclat lumi­neux, de l’emprise angois­sante de la pénombre ? Donc, où s’appuie l’étincellement ? Car ce sont les flam­mèches blanches, les touches blanches (si je ne trouve pas d’autres moyens de dési­gner l’intrigante lumi­no­sité de cette lampe astrale qui fixe l’éternité) des illu­mi­na­tions qui sauvent.

Dans cette lutte le lan­gage m’est un par­te­naire. Il semble que le monde se coupe en deux parts : le noir et ses décli­nai­sons, dont cer­taines rendent la beauté pos­sible, et l’éclairage, le miroi­te­ment. Dans ce der­nier, le monde revient à la rai­son, à la rai­son rai­son­nante, à tenir l’absence dans les limites de la com­pré­hen­sion. Je dis absence, comme je pense au som­meil. Où je m’absente.

L’obs­cu­rité fait sienne la moi­tié de l’être, et même exac­te­ment. La vie inté­rieure est sou­mise à l’existence de l’obscurcissement. Et le corps lui-même, dans la mesure où il se ferme, convie à peu de clarté et davan­tage de sur­prise, d’énigme.
Le jour et ses bigar­rures, allant du jaune mati­nal, au rouge de midi et aux bleui­tés du cré­pus­cule du soir, témoignent de chaque cycle du soleil, ten­tant de se conte­nir ici dans l’immobilité. La lumière se pétri­fie quand on ne sait où se situe le pou­voir de la nuit.

Le monde est-il guidé par la force de ces signes ? La condi­tion pas­sa­gère qui est la nôtre doit son équi­libre aux alter­nances du soir au matin, puis de la mati­née à un autre cré­pus­cule. Donc, au bout du compte, c’est une tra­ver­sée, un pas­sage. De là, le déclin puis la mon­tée, puis un autre déclin pour un autre déve­lop­pe­ment, conçus comme élé­va­tion, ascen­sion d’une espèce de nais­sance, de renais­sance à chaque fois.

De là le dia­logue. L’échange de sub­stances, des qua­li­tés de chaque état de l’onde lumi­neuse — un mys­tère puisqu’on ne dépar­tage pas l’onde de la par­ti­cule.
Il reste la fic­tion. Écrire. 

Didier Ayres

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