Cette trilogie de pure fantasy débute avec vigueur. Le scénariste, par ailleurs dessinateur et coloriste, fait entrer le lecteur immédiatement dans l’histoire. Le cadre est vite défini et les rapports entre les peuples de cette planète sont rapidement posés.
Apparemment, l’histoire va être portée sur les jolies épaules d’une humaine et sur celles, bien moins belles, d’un Elfe.
Le monde dérivant est cette terre cachée où les créatures fabuleuses, chassées par la prolifération des humains, ont trouvé refuge. Mère Knosser, à la tête d’une armée de Trolls, exige de ces populations des tributs de plus en plus lourds.
Durys, une Elfe, tente de fédérer une résistance. Le chef des Domovois est réticent. Il attend un signe du magicien Nervil. Or, celui-ci n’est plus qu’une momie au cœur d’un temple. Alors qu’ils s’éloignent, un petit Elfe s’introduit par un conduit d’aération pour s’emparer du gros bijou qui orne le torse du magicien, pour le compte de Mère Knosser. Mais, Delric Twotter a peur des momies. Au moment où il vainc sa répulsion, il voit une porte lumineuse se matérialiser et une jeune humaine en sortir, manipulée par une sorcière. Delric s’offusque, réclamant la priorité. Alors que sa maîtresse lui ordonne de poignarder le petit Elfe, Ysabeau refuse, se remémorant une scène identique. Ce blocage la délivre de l’emprise et elle se retrouve à courir avec Delric, alors que le temple explose. Ysabeau et Delric s’accrochent à un bout de rocher qui dérive et qui se délite…
Pourquoi Ysabeau, cette jeune femme est-elle sur cette terre en principe ignorée des humains ? Pourquoi était-elle sous l’emprise de cette sorcière ? Elle se retrouve mêlée à une guerre entre des peuples dont elle semble tout ignorer. Quant à Delric, il n’a pas spécialement l’étoffe d’un héros. C’est un voleur qui n’a, semble-t-il, pas que des amis, qui excelle dans la filouterie. Il est crasseux, vantard mais débrouillard tout en suscitant une certaine sympathie.
Le scénariste propose des dialogues hauts en couleurs, une fantasy pleine de fantaisie.
Le dessin interpelle tant il rayonne et éclaire les pages avec des personnages bien établis, d’autant que ces créatures fabuleuses ont des trognes peu communes. Il faut saluer la continuité dans la représentation de ces entités. La mise en scène est dynamique, Ken Broeders n’hésite pas à user de toutes les possibilités qu’offrent la perspective et toutes les potentialités des profondeurs et des hauteurs. Il rehausse le tout avec une dominante de couleurs chaudes qui illuminent les décors, les ambiances.
Un premier album particulièrement séduisant pour son récit et pour son graphisme qui enchante l’œil.
serge perraud
Ken Broeders (scénario, dessin et couleurs) adaptation française de Christophe Arleston, Une Histoire de voleurs et de trolls – t.01 : Le monde dérivant, Bamboo, label “Drakoo”, mars 2021, 56 p. – 14,90 €.