Western complètement à l’Ouest
Fidèle à son savoir-faire et-défaire, Guillaume Decourt poursuit ici ses dérives à l’emporte-pièces du côté de Monterey et de Big Sur sur les traces d’Henry Miller.
Le lieu est mystique et mythique. Il a été préservé et reste propice au puzzle épique d’un cycle narratif autour de la forme fixe.
S’y croise dans une poésie des lieux une faune principalement humaine et bigarrée. Le monde s’élargit entre Europe et Amérique et souvent entre les mains de femmes plus ou moins recommandables et au besoin arnaqueuses ou sado-masochistes à leur manière.
Mais de telles amazones et “bisonnes” n’effraient pas le poète des grandes plaines et des boudoirs. A chaque jour suffisent leurs sévices mais tout autant des calissons adéquats. Et le héros berné (sauf par sa mère) ne s’en éprouve guère marri.
Quant à la géographie du monde, elle se trouve, se trouve comme lui, cul par dessus tête. Et si Paris est une fête, c’est parce que ce narrateur — digne héritier naïf du Dead Man de Jim Jarmusch– retrouve la ville lumière non en quai de Seine mais “au bord d’une rivière de la puszra” qui devient un avatar du Mississipi.
Tout reste du même tabac là où les impudiques sont bien plus nombreux que les pudiques et où les robes oranges des belles deviennent plus bleues que chez Eluard. Un tel voyage en zig-zag reste passionnant de bout en bout car l’écriture y fait son travail de folle du logis.
Elle est parfaitement filée afin que le héros du livre soit capable de pratiquer des exercices abdominaux à la Robert Mitchum, moins pour renforcer les fessiers de Jane Fonda que pour s’envoyer en l’air avec une presque cul-de-jatte.
D’où ce western complètement à l’Ouest et sans barrage sur le Pacifique. Ici le tsunami poétique emporte tout sur son passage.
Et jusqu’aux “Patriots” de Boston après leur victoire (il y a deux ans) au Super Bowl.
jean-paul gavardperret
Guillaume Decourt, A 80 km de Monterey, Editions Aethalidès, coll. Freaks, Lyon, mai 2021, 96 p. — 16,00 €.