Gabino Iglesias, Santa Muerte

Que peut-on craindre sous la pro­tec­tion d’une Madone ?

En rete­nant Aus­tin, la capi­tale du Texas, comme cadre de son intrigue, le roman­cier se place dans un lieu pri­vi­lé­gié pour ses rap­ports avec le Mexique, avec les flots de migrants. Il déclenche une guerre de pou­voir avec cette volonté de se rendre maître du meilleur ter­ri­toire pour des affaires illi­cites. C’est un com­bat entre deux gangs, en fait, entre quelques membres de ces gangs.
Le per­son­nage cen­tral a dû s’exiler pour res­ter en vie. Il a réussi à recons­truire une exis­tence en abor­dant des pra­tiques illé­gales tout en conser­vant la men­ta­lité d’un hon­nête homme. D’ailleurs, il explique fort bien que c’est presque la seule solu­tion pour sur­vivre en étant clan­des­tin. Il a, entre autres, sur ce sujet une belle réflexion sur les Amé­ri­cains : “…ils dépensent des mil­liers de dol­lars pour faire cou­per les couilles à leur chat… mais ils refusent de payer un salaire décent à ceux qui repeignent leur mai­son.

Fernando est Mexi­cain. Il a dû fuir son pays parce qu’il s’en est pris à la mau­vaise per­sonne. Il a tra­versé la fron­tière et s’est fixé à Aus­tin où il occupe une place de videur et vend de la drogue pour le compte de Guillermo.
Il se fait kid­nap­per par les membres du gang Mara Sal­va­tru­cha qui l’amène devant Indio. Ce tueur a déjà essayé, par la manière forte, de convaincre Nes­tor Tor­rès de faire pas­ser un mes­sage à Guillermo, mis­sion qu’il a refu­sée. Indio mise donc sur Nando pour trans­mettre l’ultimatum en tor­tu­rant son col­lègue devant lui et en lui décou­pant la tête. Nando accepte avec empres­se­ment de pas­ser le mes­sage. Avant de ren­con­trer son boss, il voit Consuelo, une vieille dame qui sait voir ses souf­frances et lui sert aussi de mère de sub­sti­tu­tion. Indio veut le contrôle sur le centre-ville pour mener ses tra­fics.
Guillermo mini­mise le dan­ger mais finit par accep­ter que des tueurs effi­caces écartent la menace. C’est à Fer­nando de prendre les contacts et de veiller au bon dénoue­ment. Mais quand il trouve Consuelo égorgée…

Santa Muerte est un roman noir où l’auteur ne pra­tique pas la langue de bois et uti­lise le voca­bu­laire le plus adé­quat pour dépeindre situa­tions et émo­tions. De plus, l’auteur ne fait pas dans la den­telle pour ses des­crip­tions de tor­tures, de mise à mort. Il est très visuel dans ses des­crip­tions. Il donne une vision apo­ca­lyp­tique de Mexico et décrit avec émo­tion, sur plu­sieurs pages, la vie de ceux qui fran­chissent la fron­tière. Il aime les belles images pour défi­nir sen­ti­ments, émo­tions ou situa­tions. Ainsi : “Je hale­tais comme si je venais de cou­rir un mara­thon dans le sable avec quelqu’un sur le dos.
Il décrit aussi l’importance de reli­gions plus ou moins recon­nues, cette défé­rence pour des divi­ni­tés, la valeur de se mettre sous la pro­tec­tion de quelque saint, dieu ou vierge. Il décrit le culte de la Dame Blanche, la Santa Muerte vénéré par le héros, plu­tôt l’antihéros, qui a une belle quan­tité de fidèles en Amé­rique du Sud sous diverses croyances.

Santa Muerte se révèle un récit au style peu cou­rant, au contenu riche en remarques de toutes natures, tru­cu­lent, à l’intrigue mus­clée dans une guerre sans merci pour la pré­pon­dé­rance sur des trafics.

serge per­raud

Gabino Igle­sias, Santa Muerte (Zero Saints), tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Szc­ze­ci­ner, Édi­tions 10/18, coll. “Grands Détec­tives” n° 5657, avril 2021, 192 p. – 7,10 €.

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