Une belle dérive des incertitudes
Pour tout viatique, Lionel Bourg garde le monde comme seul lieu.
Et entré dans l’hiver de sa vie, il apprend devant l’étonnante architecture des sépultures de “ses” disparus l’extrême opacité des vies.
C’est une belle leçon de sagesse à un moment de l’existence où il arrive même aux plus poreux d’entre les hommes de voir, sinon l’émotion, du moins sa prégnance générale s’amoindrir.
Mais pour dire les absences, Lionel Bourg préfère la profondeur et l’humour des mots que leur hauteur.
Son livre prouve ose une alliance qui peut surprendre mais qui n’a rien chez lui d’un oxymore : « Il n’y a nulle différence entre l’amour et la mort /Entre une clé et un geste d’adieu ». Ce serait là — et au passage — un beau sujet de bac philo qui pourrait mettre à mal les philosophes de salon même si, bien sûr, ils s’en tireraient avec des ronds de jambes, incapable de faire la différence.
« Entre le don et l’apparence / Entre la menace et l’acacia ».
Lionel Bourg en est capable. Il connaît la différence entre le chuchotis de la lune et les épiphanies des racines.
C’est pourquoi, au plus fort du silence et près du vide creusé plus tard pour les abattis, le texte devient une belle dérive des incertitudes.
jean-paul gavard-perret
Lionel Bourg, Où se perdent nos pas, Illustrations d’Olivier Jung, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, avril 2021, 48 p.