Jean-Max Méjean est un des rares auteurs et critiques à “réaliser” un hommage à Rimbaud en transformant sa vie selon une sorte de narration évocatoire cinématographique. Sans souci de garder une direction temporelle classique, l’auteur organise la mécanique du récit par un remix cinématographique non pour grossir le trait mais exacerber autant le drame que le merveilleux d’une vie.
Le tout dans une coalescence entre le cinéma de notre temps et le poète des Illuminations.
Les rapprochements et les feintes de proximité avec Truffaut ou Barbet Schroeder — mais ce ne sont là que quelques exemples — permettent une vision reprise et transformée de manière toujours inattendue du mythe rimbaldien. Si bien que l’on comprend pourquoi Méjean peut rapprocher “E la nave va” de Fellini des dérives du passeur des deux rives de l’Italie à Eden Arabie.
Et ce, pour conduire ses rêves du papier aux sables du désert.
Il est vrai que, dans un tel voyage, nous sommes loin du piètre “Lawrence d’Arabie” — personnage gothique (version Islam) et grotesque incarné par la star la plus pâle d’Hollywood. Rimbaud, à l’inverse, est un personnage magique, fou et flou.
Il est donc plus proche des films underground de Warhol.
Et c’est le mérite de Méjean de ne jamais se méprendre sur les rapprochements que le poète peut inspirer. De Joe D’Alessandro dans Flesh, aux prostitués d’Almodóvar, ou à l’univers de Joao Cesar Monreiro, l’auteur le déplace. Et donc à mille lieux des images douteuses à la Ernest Pignon Ernest, must absolu des esthètes marxistes qui confondent Hugo et Zola, Sade et Eugène Sue.
Méjean sort de ces plaisanteries, pour servir un Rimbaud pimpant, tiré parfois par les cheveux dans les crans que fait onduler son nouveau dieu. Mais qu’importe. Mieux vaut, comme le fait Méjean, en appeler à Arthur qu’à Barthes. Ce dernier ne comprit pas grand chose au cinéma.
Et le 7ème art non plus ne capta pas toujours Rimbaud. Il reste objet de films ratés ou réussis, réalisés ou abandonnés.
Existent donc bien des avatars en hommage à celui que l’auteur tutoie comme s’il était un garçon de sa bande en équipée sauvage.
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jean-paul gavard-perret
Jean-Max Méjean, Rimbaud Cinéma, Jacques Flament Editeur, 2021, 80 p. — 12,00 €.