Michèle Pedinielli, La patience de l’immortelle

Une enquê­trice fort sin­gu­lière en Corse 

Dhju­lia – Diou — Boc­ca­nera est vic­time, en pleine nuit, d’une cre­vai­son sur une route déserte de Corse. Pas de réseau télé­pho­nique ! Une ombre, por­teuse d’un fusil, sort du maquis. Un homme lui a expli­qué que son nom dési­gnait aussi un fusil, Bocca nera, la bouche noire du canon.
Dan, pen­ché sur elle, la tire de son cau­che­mar. Jo, son ex-mari, com­man­dant à la PJ de Nice est là, effon­dré sur une chaise dans la cui­sine. Leti­zia, sa nièce a été assas­si­née. Son corps a été retrouvé dans le coffre de sa voi­ture, le véhi­cule incen­dié.
Elle était jour­na­liste à France3 Corse où elle pré­sen­tait les jour­naux télé­vi­sés.
Jo veut que Ghju­lia vienne avec lui. Il ne sera là-bas que pour les funé­railles, mais il lui demande de res­ter pour tra­quer l’assassin. Or, si Ghju­lia est d’origine corse, il y a long­temps qu’elle n’est pas retour­née dans le vil­lage. Il lui faut vaincre nombre de réti­cences, se glis­ser entre les enquê­teurs offi­ciels qui ne voient pas ses recherches d’un bon œil.
Leti­zia, outre sa pré­sen­ta­tion des jour­naux, menait des enquêtes plus per­son­nelles qu’elle publiait sous pseu­do­nyme sur un blog. La der­nière porte sur des incen­dies. Et Jean Noël, son époux, éga­le­ment jour­na­liste, disparaît…

Après deux enquêtes menées tam­bour bat­tant dans Nice (Boc­ca­nera et Après les chiens — l’aube 2018, 2019) Michèle Pedi­nielli emmène son héroïne en Corse. Elle retient comme cadre l’Alta Rocca, cette zone mon­ta­gneuse au sud et décrit un pays, au mois de jan­vier sans tou­ristes, un ter­roir authen­tique et ses habi­tants. Elle met en scène une famille dont Diou a fait par­tie en épou­sant Jo. Elle renoue, pas tou­jours faci­le­ment, avec des membres qu’elle a fré­quen­tés il y a plu­sieurs années.
Diou mène une enquête dif­fi­cile avec le côté tai­seux de la popu­la­tion. Mais elle est coriace et sait mener son affaire jusqu’à un dénoue­ment peu attendu mais fort bien amené.

Paral­lè­le­ment à la traque d’indices, la roman­cière détaille le par­cours de Diou et fait part de ses réflexions, de ses nom­breuses et tru­cu­lentes remarques tant sur le pay­sage qui l’entoure que sur les atti­tudes, les habi­tudes ou les situa­tions. Il faut se réga­ler avec son ana­lyse de la mytho­lo­gie grecque racon­tée à une petite fille, sur l’état des routes, la conduite et les consé­quences induites, sur le nature sau­vage, sur l’absence de réseaux Inter­net, sur la des­crip­tion de bâtisses…
Avec des dia­logues pétillants, l’auteure truffe son récit de remarques cocasses, résul­tat d’observations fine­ment res­ti­tuées. Son sens de l’humour, voire de la déri­sion quand ce n’est pas de l’autodérision, fait mer­veille pour ani­mer un récit dense en révé­la­tions, coups de théâtre et rebondissements.

La roman­cière conçoit une gale­rie d’individus tous inté­res­sants, d’une belle réa­lité avec une pro­fon­deur et un dis­cer­ne­ment mar­quants. Elle pro­pose de superbes por­traits de femmes avec la pug­na­cité qui carac­té­rise la plu­part d’entre elles, la lumière qu’elles dis­pensent.
Si les deux pre­miers romans étaient brillants, avec La patience de l’immortelle, elle signe une his­toire splen­dide, une enquête sub­tile appuyée sur des thèmes très actuels et le por­trait d’un pays encore authen­tique mal­gré les menaces qui planent sur ses paysages.

serge per­raud

Michèle Pedi­nielli, La patience de l’immortelle, L’aube, coll. “L’aube Noire”, mars 2021, 240 p. — 17,90 €.

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