Une enquêtrice fort singulière en Corse
Dhjulia – Diou — Boccanera est victime, en pleine nuit, d’une crevaison sur une route déserte de Corse. Pas de réseau téléphonique ! Une ombre, porteuse d’un fusil, sort du maquis. Un homme lui a expliqué que son nom désignait aussi un fusil, Bocca nera, la bouche noire du canon.
Dan, penché sur elle, la tire de son cauchemar. Jo, son ex-mari, commandant à la PJ de Nice est là, effondré sur une chaise dans la cuisine. Letizia, sa nièce a été assassinée. Son corps a été retrouvé dans le coffre de sa voiture, le véhicule incendié.
Elle était journaliste à France3 Corse où elle présentait les journaux télévisés.
Jo veut que Ghjulia vienne avec lui. Il ne sera là-bas que pour les funérailles, mais il lui demande de rester pour traquer l’assassin. Or, si Ghjulia est d’origine corse, il y a longtemps qu’elle n’est pas retournée dans le village. Il lui faut vaincre nombre de réticences, se glisser entre les enquêteurs officiels qui ne voient pas ses recherches d’un bon œil.
Letizia, outre sa présentation des journaux, menait des enquêtes plus personnelles qu’elle publiait sous pseudonyme sur un blog. La dernière porte sur des incendies. Et Jean Noël, son époux, également journaliste, disparaît…
Après deux enquêtes menées tambour battant dans Nice (Boccanera et Après les chiens — l’aube 2018, 2019) Michèle Pedinielli emmène son héroïne en Corse. Elle retient comme cadre l’Alta Rocca, cette zone montagneuse au sud et décrit un pays, au mois de janvier sans touristes, un terroir authentique et ses habitants. Elle met en scène une famille dont Diou a fait partie en épousant Jo. Elle renoue, pas toujours facilement, avec des membres qu’elle a fréquentés il y a plusieurs années.
Diou mène une enquête difficile avec le côté taiseux de la population. Mais elle est coriace et sait mener son affaire jusqu’à un dénouement peu attendu mais fort bien amené.
Parallèlement à la traque d’indices, la romancière détaille le parcours de Diou et fait part de ses réflexions, de ses nombreuses et truculentes remarques tant sur le paysage qui l’entoure que sur les attitudes, les habitudes ou les situations. Il faut se régaler avec son analyse de la mythologie grecque racontée à une petite fille, sur l’état des routes, la conduite et les conséquences induites, sur le nature sauvage, sur l’absence de réseaux Internet, sur la description de bâtisses…
Avec des dialogues pétillants, l’auteure truffe son récit de remarques cocasses, résultat d’observations finement restituées. Son sens de l’humour, voire de la dérision quand ce n’est pas de l’autodérision, fait merveille pour animer un récit dense en révélations, coups de théâtre et rebondissements.
La romancière conçoit une galerie d’individus tous intéressants, d’une belle réalité avec une profondeur et un discernement marquants. Elle propose de superbes portraits de femmes avec la pugnacité qui caractérise la plupart d’entre elles, la lumière qu’elles dispensent.
Si les deux premiers romans étaient brillants, avec La patience de l’immortelle, elle signe une histoire splendide, une enquête subtile appuyée sur des thèmes très actuels et le portrait d’un pays encore authentique malgré les menaces qui planent sur ses paysages.
serge perraud
Michèle Pedinielli, La patience de l’immortelle, L’aube, coll. “L’aube Noire”, mars 2021, 240 p. — 17,90 €.