Mort d’un commis voyageur

Une réus­site sans enchan­te­ment, une pro­duc­tion sans grâce

Domi­nique Pitoi­set, direc­teur du Théâtre Natio­nal de Bor­deaux Aqui­taine, pré­sente à Sceaux sa mise en scène de la célèbre pièce d’Arthur Mil­ler. Une fresque désa­bu­sée, bien ser­vie par la scé­no­gra­phie. Un spec­tacle aux accents poé­tiques mais qui ne sus­cite pas l’enthousiasme.

L’envers du rêve amé­ri­cain
La scène est ini­tia­le­ment entiè­re­ment recou­verte d’un voile, qui se lève après le bruit d’un acci­dent. La voi­ture, abî­mée, échouée sur le flanc, trône durant toute la repré­sen­ta­tion au milieu d’un jar­din, dans lequel se déroulent toutes les scènes. Le décor inso­lite exprime une situa­tion étrange, dont le déli­te­ment n’est pas per­cep­tible, car elle semble se dévi­ta­li­ser de l’intérieur.
Les dia­logues pré­sentent pro­saï­que­ment la vie quo­ti­dienne d’un voya­geur de com­merce aux Etats-Unis dans les années cin­quante, emporté par ses rêves de conquête qui se révèlent peu à peu sans objet. Le pro­pos s’inscrit dans un cadre déréa­lisé, reflé­tant l’inanité de tous les pro­jets. Cette déréa­li­sa­tion est mar­quée par des répliques inso­lites, qui en pre­nant de l’ampleur se dis­tri­buent sous la forme de tableaux expri­mant les rêves nos­tal­giques du repré­sen­tant. Le rêve amé­ri­cain s’étiole sous nos yeux, dis­qua­li­fié par les espoirs creux qu’il sus­cite. La dés­illu­sion est cruelle, de consta­ter tous ces espoirs démen­tis par les êtres qui les portent, en rai­son de leurs failles ou de leur inconsistance.



A tra­vers une nar­ra­tion décou­sue, se déploie la trame de la viduité et de la déré­lic­tion. Les acteurs sont inégaux, emme­nés par Domi­nique Pitoi­set qui inter­prète avec jus­tesse le rôle prin­ci­pal. Mais Nadia Fabri­zio, Cyrille Henry, Adrien Cau­che­tier ne par­viennent pas à don­ner consis­tance à leur per­son­nage. Fina­le­ment la pièce en vient à mon­trer la scène qui a fait bas­cu­ler la vie de la famille, inflé­chis­sant le spec­tacle vers sa fin inexo­rable. A terme, l’agonie de ses rêves ter­rasse le voya­geur et le pré­ci­pite dans sa mort natu­relle : pro­gram­mée, ache­tée.
Un spec­tacle bien fait, conçu, pétri de tra­vail jusque dans ses détails, mais la repré­sen­ta­tion reste lisse, sans prise sur le spec­ta­teur. Dès lors, la pièce finit par lais­ser per­plexe : une réus­site sans enchan­te­ment, une pro­duc­tion sans grâce. De l’élégance sans impul­sion, qui n’exprime son charme que dans des fresques poé­tiques trop ser­ties pour être entraînantes.

chris­tophe giolito

Mort d’un com­mis voya­geur, d’Arthur Mil­ler
Mise en scène et scé­no­gra­phie : Domi­nique Pitoiset

Avec : Adrien Cau­che­tier, Pierre-Alain Cha­puis, Nadia Fabri­zio, Cyrille Henry, Ade­line Jon­dot, Tom Lin­ton, Roberto Magal­haes, Domi­nique Pitoi­set, Chris­tophe Pou­lain

Dra­ma­tur­gie : Daniel Loayza, Mariette Navarro
Lumières : Chris­tophe Pitoi­set
Acces­soires : Marc Val­la­don
Son : Michel Mau­rer
Cos­tumes : Axel Aust, Odile Béran­ger
Maquillage : Cécile Krestch­mar
Régie géné­rale : Fran­çois Borne
Construc­tion : Jean-Pierre Car­tier et Loïc Ferié

Au théâtre Les Gémeaux, scène natio­nale 49, ave­nue Georges-Clemenceau 92330 Sceaux 

Réser­va­tions : 01 46 61 36 67 Du 22 mars au 1 er avril 2012 à 20 h 45, dimanche à 17 heures, relâche lundi et mardi Durée : 2 heures, sans entracte Le spec­tacle a été créé à Bor­deaux (en mars), il sera repré­senté du 11 au 14 avril 2012 à La Criée, à Marseille.

Le texte de la pièce, dans la tra­duc­tion de Daniel Loayza, n’est pas encore dis­po­nible en librai­rie, où l’on trouve la tra­duc­tion de Ray­mond Gérome, parue en chez Robert Laf­font en 2009 (Pavillons poche).

 

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