Cahier, “Fragment III” ou Le poème
Le poème. Subsiste. Attend. Veille. Non par lui-même, mais dans l’action de saisir. Sorte de proie. Vénerie. Il se donne et on ne sait pourquoi. Car il peut dire, taire, entendre, sous-entendre, recevoir, opérer.
Il ne se singularise dorénavant que par traces, lesquelles s’effacent au fur et à mesure de la lecture. Il circonscrit. Il tente de disparaître. De réduire sa véracité pour que la vérité se donne au lecteur, lecteur conçu ici comme un interprète.
L’équilibre est difficile. La chose écrite valant pour définition, définissant là un objet de lecture. Sans quoi il n’a de vie que brève. Différence d’avec le récit. Ce dernier, doit faire bloc dans la mémoire. Il demande une mathématique de la durée, car le roman a un début et une fin.
Entre ces deux périodes, la mémoire des lieux, des personnages, des aventures.
Le poème se tient davantage sur une crête. Sans presque de durée. Surtout, sans durer, car c’est le vif qui est sa question. Pris dans l’hymne des fins. Si proche de la mort.
Mais pas du mourir, car mourir ne tient pas devant la forme poétique si celle-ci va au bout de sa logique, ce qui ainsi laisse entendre que le poète cherche une issue, une voie vers la fin, ou plutôt hors de la fin physique vers une fin spirituelle.
La mort, la nuit, la solitude, la nature, écrire. Unique programme du poète. Il se tient au crépuscule du texte.
Il n’explique rien. Surtout, ne rien expliquer mais présenter. Çà, l’horloge de l’après-midi, et là, la disparition du temps.
L’auteur, manifeste sa personne bien sûr, et se décalque dans le poème. Est-ce l’essence ? En tout cas, pas celle d’une volonté académique.
Des voies, des chemins dont l’auteur ne connaît rien peut-être mais qu’il invente au gré de son travail. Il se prononce.
Ma personne sommeille dans le poème. Dans celui que je lis comme dans celui que j’écris. Cherchant à mourir, à s’éteindre. Tout pour le texte.
Le texte où meurt la personne. Mourir de la lumière. Mourir à l’obscurité.
Le texte et sa double présence : dire et contenir.
Faire signe.
didier ayres