Un Johnny Hallyday spéculatif
Véritable objet du livre, Barthes est soumis à un superbe révisions des principes. Dans ce texte d’humeur très mesurée, il apparaît à bien des égards comme immature et avide charmeur. Il sut manger à tous les râteliers sans en devenir l’émissaire.
Proche du communisme en début de carrière — ce qui lui permit une reconnaissances des penseurs marxistes qui saluèrent ses Mythologies (largement inspirées d’un livre américain) comme le héros de la nouvelle doxa — puis maoïste (tendance Tel Quel), il devint le moins politique des penseurs à la mode.
Il se transforma ensuite en une coqueluche, ce qui permet à Huot de rappeler son statut de star comparable à Johnny Hallyday… Tout est écrit ici de manière altière et allègre loin des laïus roboratif.
Et de Pasolini il est peu question. Il ne représente qu’une manière de ramener à Barthes et ses contradictions inhérentes à la fin de sa vie mais pas seulement.
Si bien que l’intellectuel de garde et de gloire est mis face à ses contradictions. Les premières date du début de sa carrière. A savoir dès les années 50 où Beckett est descendu en flèche. Pour des raisons idéologiques habilement masquées, il se retrouve relégué au rang petit auteur boulevardier. Quant à Roland Barthes par Roland Barthes, le livre est remisé à l’état de farces et attrapes.
Ecrivain plus en situation que situationniste, Barthes a toujours su épouser son temps et cultiver une logorrhée qui fit florès. Elle reste néanmoins à des années lumières de “lalangue” de Lacan qu’il ne l’aimait guère tant il faisait de l’ombre à son aura. De fait, il y a loin entre Barthes — écrivant officiel , mondain à sa façon — et ceux qu’il considéra comme ses compagnons de route : de Genêt à Guyotat, de Laporte à Pasolini.
Il dut pour faire moderne côté littérature “pure” glisser vers l’esthétique du fragment.
Mais elle reste à chez lui une commodité de la conversation à mille lieux de ce qu’en fit un Blanchot. L’Amitié de ce dernier est elle aussi bien éloignée de celle de Barthes. Il qualifia un temps ce concept de “stupide” avant de comprendre ce qu’il en avait tiré.
Huot le rappelle pour moduler avec intelligence et brio la démarche d’un penseur surcoté dont les goûts musicaux traduisent un parfait conformisme.
jean-paul gavard-perret
Cyril Huot, Sans transition — De Roland Barthes à Pasolini, Tinbad Essai, Tinbad, Paris, 2021, 156 p. — 18,00 €.