Un portrait tout en nuances de Lazare et de son temps
Lazare de Béthanie apparaît dans l’Évangile selon Jean. Mais ce premier ressuscité dans la tradition mystique reste anecdotique dans le Nouveau Testament. Par contre, sa postérité littéraire est remarquable.
Richard Zimler propose de suivre ce personnage entre sa résurrection et la mort de Yeshua (Jésus), une semaine après.
C’est depuis son lieu d’exil, à Rhodes, qu’Eliezer (Lazare) écrit sur un papyrus à son petit-fils Yaphiel. Il a soixante-cinq ans et décide de raconter la semaine qui a changé sa vie. Il venait d’avoir trente-six ans, événement qu’il avait fêté avec sa famille, composée de ses deux enfants et de ses deux sœurs, et quelques amis. Un après-midi, il se réveille, voit des visages inconnus. Il ne peut pas parler, il a la gorge aussi sèche que du sable. Parmi sa famille, il découvre Yeshua, son ami d’enfance, devenu prêcheur. Pourquoi était-il dans une tombe ?
De retour chez lui, il cherche à comprendre. Yeshua lui dit qu’il a eu une fièvre paludéenne pendant une semaine, alors qu’Eliezer se voit en train de réparer le carrelage de sa cour. Il n’a aucun souvenir des jours précédents. Il s’interroge, il interroge et raconte la vie qu’il a partagée avec son ami, les derniers jours de celui-ci, le jugement, la condamnation, le supplice. Parallèlement, il précise sa vie d’avant, le parcours qui l’a mené jusqu’à Rhodes.
Zimler raconte la vie familiale du héros, son veuvage, détaille ses sentiments, le doute, la foi, les raisons de son engagement. Si le romancier introduit de nombreux versets, fait moult références à des textes saints, ceux-ci ne freinent, ni n’obèrent la lecture. Le choix de prendre les noms hébreux des personnages replace le récit dans son contexte historique.
L’auteur relate le quotidien, les rapports entre les différents membres de la famille, les interventions intempestives des deux sœurs dans la vie de Lazare. Mais la présentation fait de Yeshua, n’implique pas une quelconque filiation avec un dieu. D’ailleurs, lui-même s’interroge sur son “miracle” car il n’a pas le sentiment d’avoir fait autre chose que mettre la main sur le corps de son ami.
Dans ce roman historique, Richard Zimler présente Yeshua comme un des premiers mystiques juifs et l’explore avec les protagonistes qui l’entourent, par des dialogues riches en vérités, en enseignements et réflexions. Le romancier replace Yeshua dans le contexte religieux de l’époque, celui du judaïsme et de ses traditions.
Historiquement documenté, ce livre, qu’il soit fiction ou réalité importe peu, est réjouissant à découvrir pour la richesse de cette histoire.
serge perraud
Richard Zimler, Lazare (The Gospel According to Lazarus), traduit de l’anglais (États-Unis) par Sophie Bastide-Foltz, cherche midi, coll. “Ailleurs”, janvier 2021, 456 p. 22,00 €.