Le Double ou Les Aventures de Monsieur Goliadkine

Un petit théâtre pour une grande pièce. Une belle adap­ta­tion d’un roman éblouis­sant de Dostoïevski.

À l’origine, il s’agit d’un roman. Mais ce qu’il y a de mer­veilleux dans la lit­té­ra­ture russe, c’est que les romans sont extrê­me­ment visuels et théâ­traux. Le héros va de pièce en pièce, les per­son­nages entrent et sortent… On est constam­ment à la limite du théâtre de bou­le­vard. Le Double de Fédor Dos­toïevski, fonc­tionne aussi comme cela. On ne revien­dra pas sur le roman dont la lec­ture a déjà été com­men­tée dans la nou­velle tra­duc­tion d’André Mar­ko­wicz mais on s’attardera sur l’adaptation théâ­trale d’Eric Her­bette pour ce qui est une copro­duc­tion entre le Théâtre Darius Mil­haud et le TGP de Saint-Cyr l’École.

Pas ou peu de décors. Une pièce nue, un long banc en dia­go­nale sur lequel Mon­sieur Goliad­kine (Jean Les­pert) posera son pos­té­rieur - sou­vent -, sa sacoche - de temps en temps -, le tout, à une extré­mité. À l’autre, de façon indif­fé­rente, Kres­tian Iva­no­vitch, son doc­teur, ou Iakov Pétro­vitch Goliad­kine, homo­nyme et sosie de notre héros (Michel Mira­mont). Deux ran­gées de pro­jec­teurs à la lumière jaune ou légè­re­ment bleutée.

Et puis, pre­mier éclai­rage sur un Jean Les­pert inte­nable. Véri­table malade, dans sa pos­ture et dans sa façon de s’exprimer. D’un ton variable au rythme épous­tou­flant, les pre­mières élu­cu­bra­tions d’un malade de l’esprit s’envolent. Âme tor­tu­rée s’il en est, très vite reca­drée par un Michel Mira­mont, d’abord témoin silen­cieux aux bras croi­sés et à la tête incli­née puis actif et diri­giste. Les mono­logues s’enchaînent. Alternent. Espa­cés, de scène en scène, par une musique courte mais forte et tonique qui est là pour don­ner du rythme à la pièce.

Le Double ver­sion Éric Her­bette c’est avant tout une his­toire de mélange. Des scènes du roman sont prises, cou­pées de leur ossa­ture roma­nesque et mélan­gées avant de deve­nir un patch­work souple et agréable. Après tout, c’est bien nor­mal. Tout est confus dans la tête de Goliad­kine et, s’il en est un qui ne doit avoir aucune notion du temps, c’est bien lui. On peut regret­ter cer­taines absences met­tant en relief la per­fi­die du Double. Mais tout ça est une affaire de parti pris !

Michel Mira­mont, che­veux longs tirés en arrière, incarne plu­sieurs rôles, du double de Goliad­kine au doc­teur en pas­sant par un cocher. Lui et Jean Les­pert, vêtus à l’identique, s’échangent une veste éli­mée, pièce ves­ti­men­taire essen­tielle d’un fonc­tion­naire du minis­tère qui se mérite mais aussi d’un modeste méde­cin de quar­tier. Tout est com­plot et il faut ruser pour arri­ver à ses fins. Mais le pire ennemi s’est peut-être déjà insi­nué dans l’esprit de Goliadkine.

Avec Dos­toïevski, on hési­tait entre roman fan­tas­tique et étude psy­chia­trique. Les Aven­tures de Mon­sieur Goliad­kine choi­sit de lais­ser la psy­chia­trie prendre le pas, pour don­ner à l’ensemble cohé­sion et teneur. Le tout pour 1 heure et 15 minutes qui passent bien trop vite.

À noter, au même théâtre, d’autres pièces d’auteurs tout aussi incon­tour­nables que le Maître russe : Le Neveu de Rameau, de Denis Dide­rot et La Chute, d’Albert Camus. Des pièces où nos deux com­pères sont devant et der­rière la scène.

julien vedrenne

Le Double ou Les Aven­tures de Mon­sieur Goliad­kine
(d’après Fédor Dos­toïevski)
Adap­ta­tion :

Eric Her­bette
Mise en scène :
Sil­vio Pacitto
Avec :
Jean Les­pert et Michel Mira­mont
Durée du spec­tacle :
1 h 15

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