Lionel Fondeville, La péremption

Le Bavard

Lionel Fon­de­ville cherche un dis­cours vrai à émettre afin de jus­ti­fier ses mots, la vérité sem­blant être deve­nue pacte avec l’illusion.
C’est à ce moment que lui est venue une illu­mi­na­tion : ce qu’il cherche, il l’a sous la main : c’est son besoin de par­ler et d’écrire.

L’auteur ne cherche pas à faire entrer son texte dans un genre pré­cis. Il va vers “une écri­ture sans socle, pou­dreuse et légère comme limaille” et ce, par recours aux frag­ments mais bien plus “lardes” que ceux de Tzara, Barthes ou Blan­chot.
L’écrivain veut plu­tôt fouiller le com­plexe usage qu’on se fait cha­cun de la langue, et pose la gar­ru­lité — cet inces­sant pépie­ment d’oiseaux dans le lan­gage — comme ori­gine de la littérature.

Bref, la déman­geai­son d’écrire à l’opposé d’un roman d’analyse ou psy­cho­lo­gique, une com­po­si­tion onto­lo­gique dans le bras­sage des images qui nous est donné de consom­mer. Un de ses buts – si tant est qu’il vise à un but – serait de pou­voir expri­mer, par une concen­tra­tion de plus en plus grande des élé­ments ryth­miques, la pul­sa­tion inté­rieure, la scan­sion de l’être face au dis­cours lui-même.

Pour ce faire, il s’arme de ruses. D’abord, il trans­pose dans son texte des flots de dis­cours modèles qu’il déguise, ébrèche. Le tout pour faire diver­sion. Mais il s’agit bien plus que d’un diver­tis­se­ment intel­lec­tuel.
Le tout est autant roche, amu­sant que décon­cer­tant là où sur­git une sorte de récit fan­tôme où le fan­tôme lui-même joue les fils de l’air.

Existe là autant un des constats les plus ter­ribles sur l’inanité de divers types de dis­cours qu’un sur­li­gnage de la vanité des paroles et des images (pour en, sor­tir). Ici, le pres­tige de l’écriture — sous bien des dehors ras­su­rants et avec un souci de cohé­rence qui se tourne néan­moins en déri­sion — main­tient à la fois une dis­tance et une rela­tion entre le lec­teur et l’auteur, comme lui-même et ses per­son­nages.
D’où cette confron­ta­tion com­mu­ni­cante mais sans for­cé­ment une intimité.

Si elle existe, elle ne peut se pour­suivre qu’au prix d’une dupe­rie fomen­tée mais qu’en même temps Fon­de­ville démonte et dénonce.
Cela peut être reçu comme une façon de pro­lon­ger le pou­voir que tout auteur exerce par la parole mais, en retour et à l’inverse, de s’en des­sai­sir et de signi­fier sa propre ina­nité dans une ven­tri­lo­quie contrariée.

lire notre entre­tien avec l’auteur

jean-paul gavard-perret

Lio­nel Fon­de­ville, La péremp­tion, Tind­bad Texte, Tin­bad, Paris, avril 2021, 162 p. — 18,00 €.

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