En espérant que le jour se lève
Radière nous rappelle que nous vivons ainsi jour après jour en tournant dans notre bocal tel un poisson et souvent avec pas plus de mémoire que lui, même si bien que “nous ne savons plus / à quel pays nous appartenons”. Mais qu’importe après tout.
Allant “pas à pas / nulle part” tel le héros de Beckett nous reprenons sans cesse — du moins tant que cela est possible — l’allongement de la vie en même temps qu’elle raccourcit. En avons-nous conscience ?
Pour cela, rien de mieux que le recours au poème. Il justifie de tout même se sentir très vieux et enfant “dans la même minute”. Dans le grand film de la vie, le poème ressuscite même ce que nous n’avons connu que par ouïe-dire.
Dès lors, ce que nous avons oublié, il finit par l’écrire. On se serait parfois contenté de moins.
C’est pourquoi l’écriture devient un laïus pour les temps disparus mais qui nous habitent. Et Radière leur accorde le regard nécessaire à travers ce qui s’est passé. Aussitôt “Les salamandres écrasées / sur la route où tous les jours / je marche en me parlant”, elles renaissent à l’existence.
Elles ont “une voix d’enfant” et donnent comme seule obligation de poursuivre pendant qu’il en est encore temps en détaillant le plus exactement possible ce qui est comme ce qui aurait pu exister avant de s’enfoncer dans la nuit et en espérant que le jour se lève.
Encore.
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jean-paul gavard-perret
Thierry Radière, Entre midi et minuit, La Table Ronde, coll. Vermillon, Paris, mars 2021, 336 p. — 17,00 €.