Thierry Radière, Entre midi et minuit

En espé­rant que le jour se lève

Radière nous rap­pelle que nous vivons ainsi jour après jour en tour­nant dans notre bocal tel un pois­son et sou­vent avec pas plus de mémoire que lui, même si bien que “nous ne savons plus / à quel pays nous appar­te­nons”. Mais qu’importe après tout.
Allant “pas à pas / nulle part” tel le héros de Beckett nous repre­nons sans cesse — du moins tant que cela est pos­sible — l’allongement de la vie en même temps qu’elle rac­cour­cit. En avons-nous conscience ?

Pour cela, rien de mieux que le recours au poème. Il jus­ti­fie de tout même se sen­tir très vieux et enfant “dans la même minute”. Dans le grand film de la vie, le poème res­sus­cite même ce que nous n’avons connu que par ouïe-dire.
Dès lors, ce que nous avons oublié, il finit par l’écrire. On se serait par­fois contenté de moins.

C’est pour­quoi l’écriture devient un laïus pour les temps dis­pa­rus mais qui nous habitent. Et Radière leur accorde le regard néces­saire à tra­vers ce qui s’est passé. Aus­si­tôt “Les sala­mandres écra­sées / sur la route où tous les jours / je marche en me par­lant”, elles renaissent à l’existence.
Elles ont “une voix d’enfant” et donnent comme seule obli­ga­tion de pour­suivre pen­dant qu’il en est encore temps en détaillant le plus exac­te­ment pos­sible ce qui est comme ce qui aurait pu exis­ter avant de s’enfoncer dans la nuit et en espé­rant que le jour se lève.

Encore.

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jean-paul gavard-perret

Thierry Radière, Entre midi et minuit, La Table Ronde, coll. Ver­millon, Paris, mars 2021, 336 p. — 17,00 €.

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