Le 4 avril 1978, John Chamberlain, Julia son épouse et leurs quatre enfants disparaissent sur la côte ouest de l’île sud de la Nouvelle-Zélande. La voiture a basculé du sommet d’une falaise, entrainant la mort des deux adultes et la perte de la petite dernière. Maurice l’aîné âgé de14 ans, Katherine, 12 ans et Tommy, 7 ans, survivent à l’accident. Maurice est blessé, Tommy perd la raison.
Katherine, souffrant de commotions, a cependant, la force de les faire survivre sur ce bout de berge près de la rivière en crue.
Suzanne Taylor, la sœur de Julia, a fait de nombreux voyages dans la région où ils ont été vus pour retrouver des traces de la famille, sans succès.
C’est le 14 novembre 2010 qu’elle reçoit un appel de Victoria Hall du Haut-Commissariat de la Nouvelle-Zélande à Londres. Celle-ci lui annonce que des restes humains ont été retrouvés et identifiés. Il s’agit de Maurice, son neveu disparu depuis trente-deux ans.
Les trois enfants sont retrouvés par un homme accompagné de trois chiens. Il les ramène dans l’habitation qu’il partage avec Martha, au cœur du bush. Martha soigne efficacement les enfants et promet de les amener, à la bonne saison, vers la ville la plus proche. Mais… Que s’est-il donc passé ?
Deux parcours en alternance où l’auteur fait évoluer son récit d’une époque à une autre, de Londres à la Nouvelle-Zélande. Il raconte la vie des enfants depuis le traumatisme de l’accident, puis le cadre où ils sont recueillis et les démarches, les recherches de Suzanne pour retrouver la famille de sa sœur. Il conte une vie minimaliste au cœur d’une forêt, une existence difficile dans cette ancienne région minière abandonnée par ses habitants, devenue le refuge de trafiquants et de marginaux.
C’est le prix à payer pour avoir été aidé par Martha et son frère, ce sont les révélations des enquêtes de Suzanne qui donnent la tension à l’intrigue, même si le côté policier est quelque peu minimisé. Carl Nixon propose un roman solide, aux situations assez cruelles, où la survie dépend de la capacité à surmonter les chocs, à s’adapter. Un roman exigeant et inquiétant sur l’assujettissement, la survie et le sens de la famille.
Le récit est porté par deux femmes magnifiques, deux héroïnes admirables que ce soit la sœur de Julia ou sa fille. Avec une belle réussite le romancier compose une galerie opérante de protagonistes, les faisant évoluer, vieillir avec beaucoup de vraisemblance. La psychologie des acteurs est remarquablement mise en œuvre car il les confronte à la peur, la résignation et l’espoir.
Le livre met aussi en avant une exploration de la côte Ouest de l’île sud, un des endroits les plus inhospitaliers et les moins touristiques, avec nombre de données sur le territoire, sur la nature omniprésente, sur la faune et la géographie.
Mais le romancier n’était-il pas dans les conditions idéales pour écrire, une grande partie de ce livre ayant été rédigée pendant son séjour à Menton ? Le titre original se traduit en Le bâton de comptage. Il ne faut pas en dire plus.
Carl Nixon offre un roman captivant, à l’écriture redoutablement efficace, à l’intrigue qui accroche car s’il révèle très vite une partie du mystère il fait languir son lecteur jusqu’à la dernière ligne pour donner la clé.
serge perraud
Carl Nixon, Une falaise au bout du monde (The Tally Stick), traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande), par Benoîte Dauvergne, L’aube, coll. “L’Aube noire”, février 2021, 336 p. – 20,90 €.