Georges Duroy est commissaire, rattaché à la délégation à l’épuration basée à Lyon. En ce 10 septembre 1944, au volant de sa 402, il arrive dans le Vercors. Il vient chercher une espionne, Sarah Ehrlich, dite la baronne.
Attentif à ce qui se passe sur sa route, il remarque des faits.
Duroy se rend auprès de Choranche, le lieutenant-colonel des FFI, pour prendre en charge la prisonnière. Alors que celui-ci va signer l’ordre de transfert, un soldat vient annoncer qu’on a trouvé le cadavre de Marie Valette. Choranche se précipite et Duroy aussi mais pas par le même chemin. Il croise Judith Ashton, une journaliste américaine, correspondante de guerre pour Life, qui raccompagne le père de la victime. Sur place, ses réflexes de policier jouent. Elle a été tondue et violée. Il remarque nombre d’indices.
Choranche trouve le brassard perdu par le caporal Petit Louis, présent sur les lieux. La victime était sa fiancée. Alors que Choranche veut s’occuper de l’enquête, Duroy fait valoir que c’est un crime politique parce qu’elle a été tondue et qu’elle relève de sa juridiction.
Mais, il est l’élément étranger qui perturbe une équilibre précaire et…
L’action du roman se concentre sur une journée, depuis l’arrivée du commissaire venant de Lyon, jusqu’à la conclusion assez extraordinaire de l’enquête. Pendant cette journée, le romancier qui s’appuie sur des faits, des événements, des personnages authentiques, va concentrer tout l’esprit de cette période terrible, les opinions émises, les attitudes.
Ce qui est décrit dans ce microcosme se reproduisait à l’identique sur tout le territoire. Le Vercors, où se tenait une forte concentration de maquisards depuis 1943, a été investi par les Allemands qui, lors de l’opération Bettina, ont bombardé les villages alentours, incendié, pillé, massacré combattants et civils.
Le romancier décrit les traumatismes, les forces FFI, des gamins encadrés par quelques soldats aguerris. Il raconte la haine qui flambe, les règlements de compte dans un pays où la structure sociétale est à reconstruire. C’est le déferlement de violence, les femmes tondues pour venger un pseudo honneur, la chasse aux étrangers.
Il introduit nombre d’informations sur la région, la guerre, les combats, les choix tactiques qui ont fait du Vercors un massacre et décrit les deuils qui frappent les familles. Mais, c’est aussi la rencontre de deux êtres qui se découvrent, qui ont peu de temps pour se trouver.
Le style narratif interpelle par ses phrases sèches, des mots en saccades, des détails sur un quotidien, la vision des mêmes événements par des témoins différents. C’est le récit de l’après-guerre dont il faut sortir vainqueur, qu’il s’agit de glorifier à tout prix et non pas, au nom d’une réconciliation nationale, laisser voir les actes orduriers accomplis par des salopards.
Mêlant Histoire et fiction, François Médéline signe un roman âpre, à l’intrigue intense servie par un groupe de personnages difficiles à oublier. C’est une page d’Histoire un peu escamotée au profit de récits plus glorieux.
serge perraud
François Médéline, La sacrifiée du Vercors, Éditions 10/18, coll. “Polar”, mars 2021, 198 p. — 14,90 €.