Quelle fresque d’anticipation !
À l’image de l’Angleterre du XIXe siècle qui envoyait ses criminels en Australie, les régimes politiques sur la planète Terre du XXIIe siècle se débarrassent de leurs éléments asociaux en les envoyant sur Mars. Là, ils travaillent à la terraformation, encadrés par un service de sécurité. Comme dans chaque communauté humaine, un ambitieux a créé une religion pour asseoir son pouvoir sur un groupe. Il a été vite rejoint par toute une clique et a formé l’Église syncrétique. Maintenant, il veut s’emparer de la planète pour régner.
Le tome 3 débute alors que Rojas lance la révolte, galvanisant ses troupes. Celles-ci vont recevoir le renfort d’un nouveau convoi qui, de plus, transporte des engins de destruction mis au point par les adeptes de la secte.
Jasmine a été policière avant d’être déportée pour cause de bavure. Son groupe de non-croyants a été massacré. Elle a rejoint les Solitaires et, pour contrer la croisade de Rojas, unit ses forces à celles de Sophie Berken, du service de sécurité. La bataille se fait de plus en plus âpre… Et quand le gourou veut éliminer toute une population…
C’est à une longue suite de combats que le scénariste convie son lecteur, des combats opposants toutes les parties présentes. À travers ces batailles et leurs effets, Sylvain Runberg place nombre de problématiques, met en scène et développe des idées, des thèmes fort intéressants. Ainsi, il donne un large espace à des héroïnes. Enfin un scénariste qui se rappelle que la moitié de l’humanité est composée de femmes ! Il donne une vision bien futuriste de la situation géopolitique de la planète Terre en présentant une Chine gouvernée par un régime démocratique. Une situation difficile à imaginer aujourd’hui ! Pourtant, la grande Histoire n’est-elle pas composée d’une succession de surprises de ce genre, d’empires qui semblaient indestructibles et qui se sont effondrés ?
Avec cette lutte pour le pouvoir, pour imposer une religion, il met en avant l’intolérance, le fanatisme, le besoin d’éliminer tout autre forme d’opinion pour n’avoir que des moutons bêlant le même air. Mais le scénariste reste très attaché à une intrigue en tension où il multiplie actions, rebondissements à un rythme très soutenu jusqu’à une conclusion peu banale.
Le dessin en couleurs directes est l’œuvre de Grun. Celui-ci possède le talent rare de donner une dimension supplémentaire à ses dessins, de les sublimer, de mettre en avant la force qu’il impulse à ses personnages, le côté grandiose de ses décors. Il réalise de belles séquences de combats, rendant palpable la fureur des combattants, la souffrance des blessés, des mourants, le fanatisme des croyants. Il illustre de belle manière ces adeptes prêts à tout pour défendre une idée fausse, pour servir l’ambition d’un truand de bas étage. Il donne des décors impressionnants tant intérieurs avec d’immenses galeries, qu’extérieurs avec ces zones désertiques. Il offre de véritables chorégraphies passant brusquement de champs larges à celui du visage d’un personnage pour le ré-élargir sur un groupe. Devant de telles planches, on est partagé entre le désir de voir ce créateur plus présent dans les parutions et celui de lui laisser le temps de peaufiner de si belles pages.
L’album est complété par un cahier narratif exposant la situation trois ans après, illustrée de crayonnés fabuleux. Avec On Mars, les auteurs réalisent une trilogie de science-fiction qui s’impose en tête du peloton des meilleurs séries.
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serge perraud
Sylvain Runberg (scénario) & Grun (dessin et couleurs), On Mars – t.03 : Ceux qui restent, éditions Daniel Maghen, mars 2021, 72 p. – 16,00 €.