Pierre Milza, Conversations Hitler-Mussolini

L’inté­rêt de cette étude est de révé­ler les cou­lisses des ren­contres internationales

L’alliance entre l’Allemagne nazie et l’Italie fas­ciste repose sur tout un fais­ceau d’éléments, parmi les­quels les liens per­son­nels entre Hit­ler et Mus­so­lini ont énor­mé­ment compté. Leur rela­tion a dépassé le stade pure­ment poli­tique. Elle s’est déta­chée de la logique des inté­rêts natio­naux pour se construire sur des sen­ti­ments per­son­nels, qui semblent plus forts du côté du Füh­rer que de celui du Duce.
Entre 1934 et 1944, les deux dic­ta­teurs se sont ren­con­trés à 18 reprises, soit en Ita­lie soit en Alle­magne, la plu­part du temps sur l’initiative d’Hitler. Ce sont ces entre­vues que raconte et ana­lyse Pierre Milza, spé­cia­liste de l’Italie fas­ciste. A tra­vers des récits très vivants, four­millant d’anecdotes, l’auteur décor­tique les res­sorts de cette rela­tion très étrange faite d’admiration réci­proque, de jalou­sies sourdes et d’arrière-pensées par­fois inavouables. La poli­tique est un rap­port de forces. Les rela­tions entre les deux chefs tota­li­taires n’échappent pas à cette règle implacable.

Elles sont le révé­la­teur du bas­cu­le­ment de puis­sance en faveur de l’Allemagne nazie tout au long des années 1930–1940. En 1934, à Venise, Mus­so­lini est encore le maître du jeu et peut fan­fa­ron­ner en uni­forme devant un Hit­ler penaud et ridi­cule dans sa redin­gote et son pan­ta­lon rayé. Cela ne dure pas. Dès 1937, un bas­cu­le­ment s’opère. Mus­so­lini, reçu en Alle­magne, est ébloui par la puis­sance alle­mande. Il revient transi d’admiration pour les réa­li­sa­tions du Füh­rer de la nou­velle Alle­magne auquel il a pro­mis une fidé­lité abso­lue. Il tien­dra parole.
A par­tir de ce moment, le rap­port de force s’inverse. Hit­ler cesse d’être le dégé­néré men­tal, l’obsédé sexuel dont Mus­so­lini parla après l’entrevue de Venise. Il devient le maître d’une alliance dans laquelle le Duce a bien impru­dem­ment enfermé son pays, mal­gré bien des réserves et des hési­ta­tions. Il n’en sor­tira pas. Jusqu’à la défaite et la mort.

Les ren­contres au som­met tournent à l’humiliation pour Mus­so­lini. Très sou­vent convo­qué comme un domes­tique, il doit subir les éruc­ta­tions ver­bales d’un Hit­ler mono­po­li­sant la parole pen­dant des heures. Inca­pable de l’arrêter, de prendre la parole et d’imposer son point de vue, Mus­so­lini n’en revient pas moins ragaillardi par le Verbe hit­lé­rien. Le Füh­rer, de son côté, veille à res­pec­ter son inter­lo­cu­teur et à lui évi­ter la lita­nie de reproches que son entou­rage ne man­que­rait pas de faire à sa place !
Le livre confirme les sen­ti­ments d’amitié sin­cère qu’Hitler éprouva pour Mus­so­lini, son maître en fas­cisme et en dic­ta­ture. Même après l’avoir rabaissé au rang de vas­sal entre les mains de ses sbires, dans la fan­to­ma­tique et san­glante répu­blique de Salo. Le Duce parait plus réservé mais inca­pable, mal­gré de mul­tiples pres­sions dans ce sens, de mettre fin à cette alliance mor­telle pour l’Italie.

L’autre inté­rêt de cette étude est de révé­ler les cou­lisses des ren­contres inter­na­tio­nales, le choix du lieu et sa signi­fi­ca­tion, la com­po­si­tion des délé­ga­tions, le dérou­le­ment des entre­tiens, le rôle des inter­prètes, dont les comptes-rendus consti­tuent une source irrem­pla­çable (Schmidt, Doll­mann), la manière dont Hit­ler conduit des négo­cia­tions qu’il ramène à d’atroces mono­logues. Quelques mal­adresses péna­lisent la qua­lité du livre, des erreurs de dates (le coup de force contre Doll­fuss daté du 25 juillet 1935 au lieu de 1934), des méprises (la villa Pisani devient la villa Ste­fani, du nom de l’agence de presse ita­lienne), des confu­sions (Mus­so­lini est pré­senté à la place d’Hitler comme par­ta­geant son temps entre le Ber­ghof et la tanière du loup, en 1943).
Cela dit, l’ouvrage éclaire sous une lumière ori­gi­nale la com­plexité de cette alliance dés­équi­li­brée et mor­ti­fère que fut l’Axe.

fre­de­ric le moal

Pierre Milza, Conver­sa­tions Hitler-Mussolini, 1934–1944, Fayard, jan­vier 2013, 397 p. - 24,00 €

1 Comment

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One Response to Pierre Milza, Conversations Hitler-Mussolini

  1. supermonty

    Je suis étonné que des coquilles aussi gros­sières que celles évo­quées à la fin de cette cri­tique puissent appa­raître dans un livre de Mr Milza. Il ne peut s’agir que d’erreurs de mise en page…

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