Ce duo d’auteurs avait enchanté les lecteurs avec la trilogie Traquemage (Delcourt) où le fromage de biquette était à l’honneur.
Ils reviennent avec une nouvelle fable hilarante et décapante autour de la pâtée pour chat.
Un homme, dans une parcelle de vigne sur une île de l’Adriatique, s’impatiente. Il attend l’interprète car il ne comprend rien à ce que lui dit son interlocuteur. Il est là pour acheter des vignes. Jacques Berdemol veut changer de vie. Il en a assez de son usine de fabrication de pâtée pour chat et veut devenir vigneron.
Désiré, qui vit avec sa mère, reçoit une réponse favorable après un entretien pour un emploi. Il est inquiet car cela fait cinq ans qu’il n’a pas travaillé. Il est recruté pour être “nez” dans l’usine qui fabrique la pâtée Maharadchat.
Berdemol, après une visite chez son psy, retourne à son usine. En route, le maire l’appelle car une délégation de Coréens vient dans la région pour investir. Il fait le forcing auprès du Conseil général et de la Chambre de commerce pour intégrer l’usine dans les visites. Or, Berdamol attend avec impatience la liquidation judiciaire…
Mais arrive Jessica…
Après le monde rural, les auteurs s’intéressent à l’industrie, au capitalisme et au néolibéralisme. Wilfrid Lupano plante un cadre solide et examine, avec un regard sans complaisance, la malbouffe et ceux qui la fabriquent. Parallèlement, il met en scène le parcours de ceux qui ont tout perdu et qui se retrouvent sans futur.
Autour de la nourriture, dont il détaille la composition, composition pas très éloignée de celle des produits supertransformés proposés par l’agroalimentaire aux humains, il organise une ronde de personnages peu glorieux. Ce n’est pas une ode à la nature humaine, une histoire qui valorise le genre humain. Mais, dans la présentation qu’il fait de sa galerie de personnages, il place nombre de situations authentiques, pas exagérées même si, au premier abord, on a cette impression.
Une seconde lecture permet de mesurer toute la justesse du propos. C’est tonique, édifiant et d’une belle réalité. Entre l’empoisonnement des animaux bien proche de celui des humains, entre le terrorisme des anti-viandes comme les Végans, entre les forces de l’ordre soucieuses de régler une situation qui a dégénérée, c’est jouissif, traité avec un humour corrosif, avec une belle vigueur et une bonne dose de réalisme.
Les dialogues incisifs scandent les actions et les péripéties.
Le dessin est signé par Relom. Ses traits légers donnent une expressivité et une belle énergie au contenu de ses vignettes. Il met en scène essentiellement des protagonistes. Ceux-ci se meuvent devant des fonds assez vides, neutres, tels ceux que l’on trouve dans des bâtiments industriels. Mais, il ne cherche pas la beauté. Il dessine des protagonistes empreint de médiocrité, mus par la méchanceté, voire la bêtise. La mise en page, assez classique, offre une belle trame de lecture. Les quelques décors, particulièrement ceux illustrant des zones viticoles, sont d’une belle facture.
Si la couleur est redevable à Degreff, celui-ci fait une belle harmonie de teintes neutres.
Un one-shot magnifique qui replace nombre de données de notre société dans une vision salutaire.
serge perraud
Wilfrid Lupano (scénario), Relom (dessin) & Degreff (couleur), Maharadchat — C’est tellement d’amour !, Delcourt, coll. “Machination”, février 2021, 64 p. 15,50 €.