Un portrait intime et puissant
Roman graphique, autobiographique, Erin Williams conte ici par le menu sa vie de femme, son parcours entre travail, rencontres, maternité, sexe, le tout sans langue de bois, retenues ni hypocrisies. Elle évoque longuement sa dépendance à l’alcool, les liens éphémères tissés, très souvent des liens d’une nuit sans le souvenir effacé par l’alcool.
Pour raconter son histoire, la maternité et ses conséquences sur le corps sur le psychisme, la vie avec l’enfant et la vie quotidienne d’une jeune femme, elle cadence son récit en fonction des grandes étapes d’une journée.
C’est ainsi qu’elle débute par Se préparer quand sonne le réveil à 5 heures, qu’il fait encore nuit dehors, qu’elle ouvre Instagram pour n’y découvrir que des banalités. Mais, elle détaille avec beaucoup d’humour, les besoins physiques, son maquillage en seize étapes énumérant les seize crèmes et lotions utilisées pour se maquiller, pour ne plus avoir le sentiment d’être invisible.
Puis, elle décrit son trajet quotidien, le train qui l’amène de sa banlieue à Manhattan, le métro, le bureau. Elle distille, par des flash-backs, son itinéraire personnel, ses combats. Elle décrit avec lucidité sa vie de femme, la vie quand, entre autres, elle évoque le ressenti d’une femme dans un lieu public, le dilemme, conscient ou inconscient, d’être désirable, visible et donc d’avoir la sensation permanente de danger ou d’être indésirable, invisible qui génère alors la sensation d’être seule au monde.
C’est aussi la nature humaine, le corps et ses besoins, l’esprit et ses espoirs, ses attentes. Elle tisse un lien étroit entre alcool et sexe, rapport sexuel accepté ou viol, quand elle se réfugiait dans la bouteille pour ne plus se savoir considérée comme un objet sexuel.
Le dessin en noir et blanc, à l’exemption de quelques touches de couleurs, est synthétique, montrant l’essentiel, ne donnant que le minimum de détails pour que l’œil accroche ce qui est important.
Avec une belle capacité d’analyse, de retour sur ses sentiments, ses émotions, elle redéfinit les espaces flous entre consentement et agression, entre honte et culpabilité, entre mal-être et désir de vivre, d’exister autrement. Mais c’est la belle histoire d’une renaissance quand elle devient amoureuse, qu’elle tombe enceinte et arrête de boire pour réapprendre à vivre.
serge perraud
Erin Williams, Trajectoire de femme – Journal illustré d’un combat, traduit de l’anglais (États-Unis) par Carole Delporte, Florent Massot Éditions, mars 2021, 304 p. – 26,00 €.