Peer Gynt est l’adaptation d’une pièce de théâtre écrite par Henrik Ibsen, présentée pour la première fois à Oslo le 24 février 1876, accompagnée de la musique d’Edvard Grieg. Ibsen avait obtenu une bourse du Parlement norvégien pour recenser les contes et légendes du pays. Lors de ses recherches, allant de ferme en ferme, il consigne les récits qu’on veut bien lui faire. C’est ainsi qu’il découvre l’existence d’un paysan ayant vécu au XVIIIe siècle, près de Lillehammer, au profil bien particulier.
Peer voulait toujours être au centre des conversations et avait acquis une réputation de frimeur, hâbleur, affabulateur, voire mythomane.
L’idée naît alors d’en faire le personnage central d’une pièce de théâtre où il représenterait une Norvège en quête d’identité, d’affirmation. Car, à la fin du XIXe siècle, ce territoire était encore sous la coupe de la Suède et du Danemark.
C’est cette pièce qu’Antoine Carrion adapte en deux tomes. Le présent album met en scène les actes I à III.
Le récit débute par une discussion entre Peer et sa mère. Celle-ci l’accuse de mentir quand il lui raconte les différentes péripéties de sa chasse au bouquetin. Elle se désole devant le gaspillage de la fortune de son père par son mari. Toutes les richesses ont disparu et il y a une saisie tous les mois. Il la rassure lui assurant qu’il va devenir roi, empereur. Elle lui reproche d’avoir négligé la fille d’Haeggstad, une fille de propriétaire qui le regardait d’un œil tendre.
Pendant qu’il était à la chasse, dont il est d’ailleurs revenu bredouille, un homme a demandé sa main et elle se marie demain. Peer s’invite à la noce, mais…
Ce récit retrace la soif de grandeur de Peer, son obsessionnelle ambition. Il décrit également un personnage atteint d’une certaine folie, bavard, égoïste, lâche et avide.
Sa quête l’amène à rencontrer nombre de femmes, fuyant ses responsabilités mais profitant de leur appui.
Antoine Carrion séquence de belle manière cette pièce de théâtre et la met en images dans un festival de noir et blanc illuminé par une remarquable chromatique de gris. Il retrouve l’esprit de ces gravures romantiques du XIXe siècle. Il fait ressortir une ambiance sombre, écrasante, des paysages presque fantastiques, des forêts profondes, des ciels chargés, lourds, menaçants, qui pèsent sur les choses, sur les êtres. Mais, il met en valeur les acteurs de l’histoire, donne un éclat étincelant aux personnages féminins.
Un superbe album qui met en lumière une quête époustouflante autour de l’identité, entre satire, drame et humour.
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serge perraud
Antoine Carrion (scénario d’après la pièce d’Henrik Ibsen, dessin et couleurs), Peer Gynt – Acte I, Soleil, coll. “Métamorphose”, février 2021, 104 p. – 17,95 €.