Gianfranco Calligarich jouit d’une importante notoriété en Italie, mais curieusement, aucun éditeur français ne s’était intéressé à lui jusqu’à présent. Les éditions Gallimard ont choisi de faire traduire son premier roman, datant de 1973, qui jouit d’un statut de livre culte. Nous espérons qu’elles ne s’arrêteront pas là.Le dernier Eté en ville a pour narrateur et protagoniste Leo Gazzarra, un jeune Milanais qui est venu à Rome pour travailler comme journaliste, vers la fin des années 1960, et qui n’en est plus reparti après avoir perdu son poste initial. Il habite dans un appartement prêté par des amis absents, il gagne sa vie comme il le peut (toujours mal), et il profite des invitations à boire ou à dîner de ses amis plus aisés.
C’est à une telle soirée qu’il rencontre Arianna, dont il tombe amoureux et qui se comporte avec lui de façon trop contradictoire pour qu’il sache à quoi s’en tenir. Mais c’est une fille déséquilibrée, c’est bien connu. Par ailleurs, comme le fait noter une amie de Leo : « Elle est belle, très cher, et les gens beaux sont toujours imprévisibles. Ils savent que quoi qu’ils fassent, ils seront pardonnés » (p. 65).
L’intérêt de ce roman tient non pas à l’histoire d’amour (à peine existante) et au reste de l’intrigue, mais à deux ingrédients qui s’y combinent avec bonheur : l’ambiance caractéristique de Rome vers la fin des années les plus belles du XXe siècle, et le mélange d’esprit piquant et de mélancolie du narrateur. La dolce vita n’est pas encore finie ; cependant, il flotte dans l’air un désenchantement qui confine au désespoir ; et malgré tout, les moments de grâce abondent.
Ainsi, en attendant le retour de l’été, on peut passer par-dessus le mur d’enceinte d’une villa de riches, au bord de la mer, et prendre le soleil dans son jardin, comme si l’on était chez soi. On peut aussi se rappeler à deux voix les bonheurs dont « le progrès nous a privés », tels que « faire éclater les sachets en papier », « couper le jambon soi-même » ou « marcher sur des semelles en caoutchouc » (pp. 47–48)…
Le charme de ce livre fera le régal de tous les nostalgiques, qu’ils aient connu ou pas le début des années 1970.
Son seul défaut, c’est la toute fin, peu crédible, mais qui ne vous ôtera pas l’envie de vous y replonger pour prendre des vacances de la réalité environnante.
lire la 1ère critique du roman
agathe de lastyns
Gianfranco Calligarich, Le Dernier Eté en ville, traduit de l’italien par Laura Brignon, Gallimard, février 2021, 213 p. – 19,00 €.