Christian Lacombe, Dictionnaire Sade

Tout dire 

Du Divin Mar­quis fas­ci­nant, révol­tant, révolté, polé­miste ce dic­tion­naire qui lui est consa­cré pro­pose une quin­tes­sence de la vie, de l’oeuvre et des approches de celles et ceux qui se sont consa­crés à sa lec­ture : Lély, Bataille, Barthes, Fou­cault et tant d’autres.
Un tel dic­tion­naire pro­pose la théâ­tra­li­sa­tion thé­ma­tique de tout ce qu’une telle oeuvre engendre encore d’illimité. Pour preuve, il a fallu attendre bien long­temps pour qu’un auteur — en l’occurrence Lacombe — se risque à cer­ner un tel ensemble.

Les entrées prouvent com­bien et par exemple le roman consi­déré jusque-là comme fri­vole et secon­daire prend, dans la ver­sion sadienne, une manière de déso­béir à une orga­ni­sa­tion rigide et étroite. Et si la liberté d’écriture de l’auteur ne pro­vient pas direc­te­ment d’une volonté de renier les codes lit­té­raires, elle consti­tue un choix déli­béré pour trans­mettre des idées sub­ver­sives.
En optant pour une écri­ture lais­sant la part belle au théâ­tral, au dis­cours phi­lo­so­phique (et pas seule­ment dans le bou­doir), au roman Sade cherche non pas une marge mais une marche à suivre pour don­ner une com­pré­hen­sion plus pro­fonde des rap­ports qui “unissent” et régentent les êtres entre eux.

Sade créa par bien des sub­ter­fuges, par une écri­ture et une pen­sée de l’outrance en ce “ tout dire ” que l’auteur ne cessa de reven­di­quer. Elle ne cor­res­pond à aucune règle, à aucun modèle clos et défini pour aller au tré­fonds de l’homme et explo­rer ses limites.
Sade lorsqu’il se fait cri­tique le pré­cise lui-même : le roman­cier doit peintre l’homme dépos­sédé de son masque social, libre de s’abandonner au vice qu’il est forcé de conte­nir ou de tra­ves­tir en vue du “ contrat social ” sur lequel repose la pos­si­bi­lité de vivre ensemble.

Avant de finir, lais­sons la parole au Mar­quis : “ L’étude pro­fonde du coeur de l’homme, véri­table dédale de la nature doit nous faire voir l’homme non pas seule­ment tel qu’il est ou qu’il se montre, c’est le devoir de l’historien, mais tel qu’il peut être, tel que doivent le rendre les modi­fi­ca­tions du vice et les secousses des pas­sions ”.
Et Sade d’ajouter plus loin com­bien la vertu n’est nul­le­ment essen­tielle en art. C’est même le contraire qui la “justifie ”.

L’auteur a donc grand soin de nous rap­pe­ler que “ Ce n’est pas tou­jours en fai­sant triom­pher la vertu qu’on inté­resse. ».
Non seule­ment le Mar­quis l’a affirmé, mais il l’a mon­tré en ce théâtre de son exis­tence et de son oeuvre dont un tel ouvrage rap­pelle tout le “mal” néces­saire que font jaillir de telles opé­ra­tions — enten­dons ouvertures.

jean-paul gavar­der­ret

Chris­tian Lacombe, Dic­tion­naire Sade, L’Harmattan, Paris, février 2021, 642p. — 44,00 €.

3 Comments

Filed under Erotisme, Espaces ouverts, Essais / Documents / Biographies

3 Responses to Christian Lacombe, Dictionnaire Sade

  1. Villeneuve

    Marie-Paule Farina tient haut et fort sa place dans ce dic­tion­naire tant attendu et enfin venu ! JPGP le salue comme il se doit … et sans rigoler .

  2. marie-paule Farina

    merci beau­coup Vil­le­neuve et merci Jean Paul Gavard Per­ret pour cette recen­sion d’un dic­tion­naire Sade qui, effec­ti­ve­ment, manquait

  3. Christian Lacombe

    Merci Jean-Paul Gavard-Perret pour ce bel article sur le Dic­tion­naire Sade ! Et merci pour votre indul­gence à pro­pos des coquilles et autres erreurs typographiques…

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