Il n’est pas étonnant que ce livre paraisse dans la collection “L’infini” de Philippe Sollers. Et ce, à plus d’un titre.
Le directeur de la collection revendique toujours une sorte de maoïsme retors et il fit de “La Chine” un numéro “scandaleux” de sa défunte revue Tel Quel qui fut l’abri le plus remarquable de la pensée et de la louange du Grand Timonier.
Mais il y a plus. Jean-Michel Lou a déjà fait le lien entre Sollers et l’Empire dans “Corps d’enfance corps chinois. Sollers et la Chine” (L’Infini, 2012). Livre qu’il définissait comme “à la fois nécessaire, évident et complètement superflu”. Car — ajoute l’auteur — les livres de Sollers peuvent très bien se passer de commentaires.
Néanmoins, il proposa une approche “à la chinoise”, tournant doucement autour des textes (…) montrant cependant comment ils agissent sur moi”.
Dans ce nouveau texte, il ne s’agit pas vraiment de la Chine. Du moins pas en totalité — ce qui serait une gageure. Mais de prendre cet univers et ce mot comme ce que l’auteur nomme “un fantasme qui porte le nom de “Chine”, et qui change de forme, “selon les époques et les individus.” Sa Chine est comme le “je” pour Rimbaud. A savoir une autre. Aussi pleine que vide. Et plus proche du “coeur vide” (dit l’auteur) que de Benjing et ses palais.
Et le but du livre est de faire un retour sur soi qui se rapproche bien plus de l’injonction de Kafka : “Je suis Chinois et je rentre chez moi.”.
L’auteur comme Sollers n’est pas pour rien dans la généalogie littéraire de Lou qui écrivit sur lui un beau livre hommage (Le petit côté).
Il ne s’agit donc pas pour l’écrivain de reconquérir la Chine mais de retrouver son enfance là où Prague revient près du Fleuve Jaune.
jean-paul gavard-perret
Jean-Michel Lou, L’autre lieu. De la Chine en littérature, Gallimard, collection L’Infini, Paris, février 2021, 224 p.