Conte à la fois terrien et orphique
Dans ce retour sur son passé, Florence Delay cherche moins la nostalgie que de nouvelles lois. Forcément demeure l’éparpillement de ce qui n’existe qu’en fragments avec le temps.
Mais la créatrice les rassemble et qu’importe les variables d’incertitudes.
Le passé, dans cet élan, déborde de propositions. Car vu du présent rien ne l’interdit. Cela permet de supposer des choses d’abord insoupçonnables.
Sur un balcon une glycine rampe sans que les vases rompent.
Les souvenirs se transforment en une sorte de conte à la fois terrien et orphique. Miradour devient un lieu rêvé mais difficile d’accès : ” La pente était si raide que la vieille voiture de Madeleine tombait fréquemment en panne au milieu de la côte. Il n’y avait alors d’autre solution que d’aller chercher une paire de bœufs à la ferme la plus proche.»
Une fois arrivée, aux pavanes des pigeons de la ville fait place le roucoulement des colombes.
Le parcours est sobrement mesuré dans une certaine solitude là où sans doute les bancs d’avant sont désormais aussi seuls que celles et ceux qui y passaient les heures exquises de marivaudages plus ou moins appuyé. L’explosion originelle se reconnaît désormais en un chant de la distance. En reste la lumière. Sans conjuguer la moindre apparence factice, un morcellement se crève.
Dans un retour non forcé à une proximité perdue, le “recueillement’ permet de respirer ce qui fut et qui reste une des racines du bel aujourd’hui d’une auteure précieuse.
A la césure du souffle, dans l’affrontement du dire émane un basculement solaire. Certes, depuis ce temps beaucoup des comparses manquent à l’appel. Mais qui ?
De l’amour ne reste pas que les traces. Et en un tel (presque) inaccessible espace, l’auteure marche sans attente, balaye les absences, s’enserre de vent : un peu d’air encore et elle se sait immense face au ciel d’où jaillit un souffle inconnu.
Soudain, quelque chose respire qui inscrit l’éphémère de ce passage à Miradour.
La narratrice n’a plus de fil à son cou. Elle est l’été et le lieu.
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jean-paul gavard-perret
Florence Delay, Un été à Miradour, Gallimard, collection blanche, Paris, 2021, 144 p. — 12,00 €.
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