Olivier Merle place son intrigue dans une capitale de province, dans les Territoires selon le terme à employer aujourd’hui. Un notable est menacé de façon de plus en plus brutale. Des meurtres, qui semblent en lien avec cette affaire de corbeau, sont commis sur un homme, une jeune femme…
Les enquêteurs soulèvent difficilement le voile sur des activités peu catholiques, bien que de fervents catholiques puissent y être mêlés. C’est ainsi que les pas des policiers les amènent d’un hôtel particulier à un club sadomasochiste où des dominants dominent des dominés. Ils font face à des messages codés, des mises en scènes morbides.
Le romancier prend le temps de poser son cadre, de mettre en place les éléments de son récit et c’est parfait pour restituer cette ambiance dite de province où il faut masquer soigneusement les turpitudes. Cela dit, ce n’est pas mal non plus dans la Capitale avec les révélations sur des notabilités ces derniers temps.
Début Janvier, Libération relate un drame sanglant en Côte d’Ivoire. Mme Lamaury et ses deux filles sont tuées d’une balle en pleine tête. M. Lamaury a pris la fuite, une fuite bien organisée.
À la frontière polonaise, fin février, un industriel est abattu d’une balle de révolver dans son bureau.
Ce matin de mars, le commandant Hubert Grimm arrive au SRPJ de Rennes où il rejoint ses subordonnés. Depuis sa mutation, il y a trois mois, il s’ennuie car les affaires sont peu motivantes. Le commissaire divisionnaire le charge de recevoir une personnalité locale, M. Kerdegat, qui a reçu une lettre anonyme le qualifiant d’assassin. On précise qu’il doit payer pour ses crimes. Il finit par reconnaître avoir eu, avant, plusieurs appels téléphoniques, à minuit onze. Il a fait changer le numéro et…
Au vu des éléments, une enquête préliminaire est ouverte et Grimm en a la charge. C’est au lieutenant Ermeline Gasquet, qu’il demande de surveiller l’industriel, un type infect, imbu de lui-même, méprisant. Le lendemain, elle planque, elle suit. Mais, elle n’est pas la seule. Un homme en scooter fait de même.
Et puis l’affaire prend un tour dramatique après une seconde lettre et la découverte macabre faite par l’employée de maison venant prendre son service au matin. Un sac poubelle a été déposé avec un pied d’homme dépassant verticalement par l’ouverture. À l’intérieur, le reste du corps… sans la tête.
Pour porter son intrigue, Olivier Merle conçoit une galerie étoffée de personnages bien construits, mettant en avant un protagoniste principal peu commun. Le commandant Hubert Grimm évolue dans une existence laminée par un marasme complet. Il est poursuivi par une lourd passé, par des obsessions qui le bloquent et l’obligent à fréquenter une psychiatre. Il n’a pas d’autre solution, pour ne pas se laisser dévorer par ses hantises, que de s’acharner à penser à son travail.
Et lorsque celui-ci est ennuyeux, routinier, il sombre en dépression. Il est poursuivi par un passé dont il ne veut pas, dont il ne sait pas, dont il ne peut pas se défaire.
Le récit fait alterner les recherches, les déductions avec l’action sur le terrain. La tension monte en puissance de brillante façon jusqu’à une conclusion du plus bel effet après une succession de rebondissements et de surprises. Avec ce livre, le premier roman policier abordé par Olivier Merle, celui-ci propose une intrigue forte, magnifiquement menée er servie par une belle galerie d’acteurs.
Faut-il souhaiter une nouvelle enquête à Hubert Grimm s’il est toujours aussi mal ? Avec un point de vue bien égoïste, le retrouver sera un grand plaisir.
serge perraud
Olivier Merle, Dans l’ombre du loup, XO &ditions, janvier 2021, 544 p. – 21,90 €.