Jos Garnier, Sous les chapes grues

Abîmes de mots, mots en abîme

Du fond de la Drôme où elle demeure cachée, Jos Gar­nier pour­suit une quête poé­tique et exis­ten­tielle. Après Ver­tige (2018, édi­tions Tar­mac), Sous les chapes grues lui est bien supé­rieur car il rameute un flot ver­bal encore plus puis­sant.
S’y crée “l’inévitable effu­sion macabre” là où il convient de “découdre plus qu’il n’en fau­drait les retours à la ligne obs­cur­cissent ma mémoire de peau bana­li­tés exa­gé­ré­ment para­chu­tées comme en ciel éteint s’octroyer une mou­vante remise de peine à aller plus loin vers ce qui nous échappe encore ver­ti­cule d’exister à l’essai’”.

Bref, il s’agit de reprendre le dur désir de durer loin des régu­la­tions lan­ga­gières. Les étapes se rap­prochent et tentent de se ras­sem­bler tant que faire se peut, nour­ries d’un “élan en soi fait pour vivre embar­rassé de cette sorte de néces­sité d’agir”. Là où la rai­son semble impo­tente, la charge ver­bale per­cute la logique syn­taxique dans un mou­ve­ment aussi mort que vif.
Pour — et jus­te­ment — rameu­ter les vivants et les dis­pa­rus. Dans sa plé­ni­tude, le texte retient ce qui peut l’être de ce qui est advenu — et bien d’autres choses encore.

Comme Duras mais selon une autre stra­té­gie, il s’agit de “faire bar­rage” — mais sans rien rete­nir. Pour bas­cu­ler vers l’amour “en cati­mini en levant le nez aux étoiles juste pour dire qu’on le fait bien sans s’accrocher aux rails d’espoirs” ? Mais Jos Gar­nier refuse les illu­sions.
Néan­moins, elle avance et qu’importe “les petits bour­geons obs­cènes de dou­leurs”. Per­dure le mou­ve­ment qui casse les codes, rem­plit les vides comme pour caler ce qui peut l’être dans le désordre de la vie même  — ou sur­tout — lorsque l’amour a pâli.

Du drame de la vie, l’auteure ne gomme rien et sur­tout pas les mots — même si le dégoût se cache des­sous — car ils font ce que la vie ne peut pro­mettre. C’est du moins une sorte d’espoir.
L’univers filé rem­place les aplats d’azur aux enjo­li­vures de palmes, émergent des espaces de bouillon­ne­ments par­ti­cu­liers là où l’enfermement reste un pos­tu­lat de l’univers.

Contre les idées reçues qui sont des ani­maux bien gras et là où l’élémentaire huma­nité bas­cule, ce tra­vail devient un contre-feu.
Le texte exhibe contre vents et marées des indices d’identité afin d’avancer dans la com­pré­hen­sion d’une com­mu­nauté humaine qui retrouve tant bien que mal son droit de cité.

lire notre entre­tien avec l’auteure

jean-paul gavard-perret

Jos Gar­nier, Sous les chapes grues,  édi­tions Mila­gro, 2021, 48 p.

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