Grossolalies et glossolalies
Ana Tot sait faire avancer les ânes et qu’importe si ses bas les blessent. Car elle sait ce qu’ils valent. Et les femmes aussi.
Même si elles sont dans Nique (le livre est bien nommé) incandescentes, gourgandines et lubriques à leurs heures (pas forcément tardives).
Certes, il existe sans doute là une poésie presque mécanique et mecs à nique — forcément puisqu’elle se situe au plus près de l’humain trop humain.
Et sous le jeu des assonances et du ludique, entre micro-scènes et comptines tout est plus sérieux qu’il n’y paraît.
Qu’importe si tout bonhomme peut devenir “un boucher amouraché d’un samouraï”. Ils marchent main dans la main “comme si bonombre et homme / comme si bouchaï et samouré / comme si son ombre était une coquille / dont il serait l’autre moitié”.
Il y a donc bien des amours qu’on qualifiait jadis de contre-nature.
Ana Tot sait bien que c’est exagéré. Le sexe s’égare parfois mais l’auteure s’amuse en fatrasie de toutes ses fantaisies. Il suffit d’une femme maigre comme un clou pour rendre à nouveau l’homme marteau.
Mais les femmes rondes provoquent aussi des “grossolalies” et glossolalies à l’ombre des poils de leur pubis.
En de belles torsions du langage, Ana Tot crée le miroir de la mâle petitesse et de sa finitude. L’amour ou ce qui en tient lieu reste la matière première d’un livre qui éructe, éjacule, jette dans un prurit verbal où tout un inconscient se libère.
La poésie, sous sa simplicité, devient picaresque et riche autant en azote qu’en oxygène.
jean-paul gavard-perret
Ana Tot, Nique, éditions Louise Bottu, Mugnon, février 2021, 198 p. — 15,00 €.