La volonté d’être femme au-delà des traumatismes
Sandra Moussempès permet à la fois de voir autrement les femmes de l’histoire (la sienne et celle du monde) et d’autrement voir le féminin en le dégageant du flot du noir du temps et ses sillages comme de celui du rose de la couverture afin d’imaginer la lumière que les égéries font jaillir en permettant de soulever bien des cothurnes.
Il faut alors alors comprendre le vide du portrait en couverture au sens latin : vois. Car ici une machinerie poétique détraque les glas que les mâles font vibrer. Un tel féminisme n’est constitué ni d’abstractions, ni de métaphores.
Il projette au fond de l’impasse où la femme est réduit à un fantasme. Et celui-ci s’écroule pour une autre histoire loin des reproductions et mélancolies d’usage.
Le texte crée l’attente de ce qui dresse à travers le passé vers un ailleurs. Sandra Moussempès remet en scène le féminin sans se laisser séduire par les gentleman farmers du “Bonheur est dans le Pré”.
Des rubiconds, elle soupèse la bêtise.
“Nobody’s here but me” peut écrire la poétesse pour se définir tout autant que ses soeurs. Se croisent Cindy Sherman et Sylvia Plath.
Mais aussi une poupée de porcelaine qui lui ressemble et qu’Annie Besnard, liée à son père et amie d’Antonin Artaud, lui offrit.
Elle réapparaît bien plus tard en mascotte d’exorcisme, en Barbie à peine défraîchie mais aussi en femme électrique comme Messaline et Salomé.
Se forge la force collective des femmes, des plus mythiques, des plus anciennes sirènes et sorcières sans oublier la soprano Angelica Pandolfini, sa parente, qui comme elle a défini le féminin.
D’autres égéries perdurent : Lilith, Iphigénie, Artémis, les Emily (Brontë et Dickinson). Toutes deviennent pour elle des miroirs non de la vie en rose mais de la volonté d’être femme au-delà des traumatismes.
Certes, la poétesse ne prétend pas s’en débarrasser par seul effet d’un livre et de ses modèles qui se substituent aux figures masculines. Car pour elle, si la poésie est “une forêt remplie de songes précieux”, la vie n’est pas un songe.
Mais un feu souterrain peut éclore.
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jean-paul gavard-perret
Sandra Moussempès, Cassandre à bout portant, Flammarion/Poésie, Flammarion, Paris, janvier 2021, 174 p. — 18,00 €.