Pressing magnifique
Paul Andreu a conçu la plupart des bâtiments de Charles-de-Gaulle ainsi que d’autres aéroports en France comme à l’étranger. Il a construit un musée de la mer à Osaka, un gymnase à Canton, un centre musical à Shanghai et surtout l’Opéra de Pékin.
« Chaque fois que je pense un projet, je ne crée pas une boîte pour y organiser du mouvement, mais je conçois les murs en fonction du mouvement que les gens effectueront à l’intérieur. » écrivait-il mais ce n’est pas – et de loin – le seul objet de son livre de vie.
Trois ans après sa mort, il donne à l’architecte mais aussi à l’auteur qu’il fut (en écrivant entre autres Les Eaux dormantes, Y avait-il des oiseaux ?, Archi-mémoires et Enfin) une jovialité fantasque dans le roman vrai d’une vie entière où se retrouvent des femmes solitaires, des amours délicates, un foulard oublié, des ruines d’un sanatorium et bien d’autres fragments de vie jusque dans le jardin du Luxembourg près de la fontaine Médicis.
Existe une application ludique à animer des vies – dont la sienne – et « dont les doubles pullulent ». Ils en font des tonnes pour attirer l’attention de l’auteur – comme celle de ses lecteurs.
Le bavard en sait plus sur eux et sur lui-même que tous les psychanalystes mais il n’en fait pas état de grâce – sinon littéraire .
Il cultive des états distractifs sous prétexte de procrastiner et d’y trouver son propre virus et sa vraie nature. Se refusant à ouvrir à l’imagination pure (il n’en a pas besoin), Andreu a raison de tous ces doubles qui voulaient avoir sa peau.
Mieux : il n’en a cure et se laisser entraîner dans les plis de leur vie qu’ils passent en son pressing magnifique.
jean-paul gavard-perret
Paul Andreu, Kaléidoscope, Alma éditeur, Paris, janvier 2021, 192 p. – 18,00 €.