Où sommes-nous sinon “Entre les riens / qui ne peuvent finir” et où la “chute béante” n’a plus besoin de dehors pour être la plus profonde ?
Si bien que, tel le jeune Igitur de Mallarmé, nous replongeons dans le tombeau des nôtres, “lieu tapi dans le lieu” après la disparition et juste avant l’effacement.
De ce lieu lui-même “englouti dans ses entrailles”, Radu Portocala signifie la double présence par ces textes et illustrations. Il n’existe plus deux mondes — un dedans et un dehors ou encore l’espoir et la chose. Surgit la fusion dans la dissolution.
Plus de roue cosmique, d’écoulement des terres, de danse des astres. Le poète fait le vide pour attirer le vertige.
Reste un monde carcéral, “ensilencé” qui pousse plus loin les univers affectifs en mentaux de Kafka et de Beckett.
Rien n’a lieu que ce lieu de vide illimité et ses escaliers qui ne servent à rien puisqu’il n’existe personne pour les gravir ou en débarouler.
L’expérience de la création passe par celle du vide en ce qui devient un espace de “décréation”. Chaque poème et dessin sont là pour mettre à la lumière l’obscurité en un résumé du monde et de l’existence afin de participer à l’épanouissement de son extinction.
Le mystère de cette chorégraphie statique — mais où les vers bougent — noue l’espace et le condense par la force d’une présence en abîme. Les poussées du passé et du futur sont latentes. Portocala interpelle le temps, descend en lui pour insuffler le souffle d’un pacte primordial avec le néant.
Les vers suggèrent en absence de masse la diaphanéité de l’air. S’y manifestent de l’âme ou de l’esprit par lignes, et de rares courbes. Reste un creux primordial et final, quelques précipices et élévations.
Par talent et maîtrise, l’art et la poésie atteignent un aspect âpre et frustre. Il constitue l’essence de la création d’un abstracteur de quintessence dans l’insipide évidence d’un œkoumène impropre aux déités.
Demeurent l’aire et l’ère des fins de tout commencement et la meurtrissure d’une fable vidée de toute pléthore.
lire notre entretien avec l’auteur
jean-paul gavard-perret
Radu Portocala, Voie sombrée, éditions Dédale, Paris, janvier 2021, non paginé — 15,00 €.
Quelle écriture !!!
Parfois les textes de JPGP me laissent
bouche bée par tant de talent !…Je découvre souvent des mots dont j’ignore l’existence . Comme aujourd’hui , le nom ” œkoumène” que je trouve beau , mais j’ai du chercher la signification sur Google…