L’impensé au cœur de la pensée
Rim Battal peut jeter le doute par le titre de son livre. Il n’y est pas question (je m’y étais laissé prendre) d’écriture inclusive mais d’un portait “tout compris” dans des quatrains à l’emporte-pièce de la belle marocaine qui au besoin se laisse aller à certains plaisirs qui n’engagent à rien.
Quoi que…
Entre chaleur, eau et désert plus loin, s’instruit une dérive beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît. Existe une méditation sur soi et le monde à travers des “choses vues” (Hugo) : des dos se font bronzer, “des glaces fondent / sur la main des nouveau-nés”.
La poétesse comme abandonnée à une certaine paresse du corps en profite pour faire fonctionner son esprit là où “un poème sur le poème” lui-même permet de filtrer les instants pour garder le nectar de la pensée qu’ils produisent en la psyché.
Nous sommes soudain dans le suave comme dans la gravité. Des ombres passent et disparaissent en émulsions lentes et incisives. L’écume du temps et des piscines apporte sa sève chaude.
La lumière butte sur des courbes. L’ivresse s’étire doucement en des accents imperceptibles. C’est l’impensé au cœur de la pensée.
Rim Battal invente donc un abandon actif pour aller à la rencontre de ce qui, dans une vie plus active, est caché. Cet éloge de la paresse, du farniente et de la joie facile est donc à pratiquer sans modération.
Preuve qu’il faut “s’entraîner à l’oubli” pour écrire et penser mieux.
La créatrice impose la sensation d’échos subtils. La réalité de la trace d’une simple goutte d’eau ne cesse de convoquer le regard pour ouvrir à la pensée par la juxtaposition, et superposition de “motifs”.
La peau comme l’écriture est offerte, aussi fuyante que prégnante.
Où est la “vraie” histoire sinon dans les scènes les plus simples qui ramènent sans cesse à l’indicible ?
jean-paul gavard-perret
Rim Battal, Les quatrains de l’all inclusive, Le Castor Astral, Montreuil, février 2021, 80 p. — 12,00 €.