Sur les traces des civilisations fondatrices
Avec ce diptyque, Isabelle Dethan continue d’explorer les rouages de ces civilisations fondatrices telles que l’Égypte, la Mésopotamie, l’Empire babylonien… Si le présent récit trouve sa source en Égypte, il se déroule essentiellement à la cour du roi Nabù-Kudurri-Usur. Celui-ci cherche à continuer l’œuvre de sa lignée et entretenir de bonnes relations avec le royaume voisin de Mèdes.
C’est là que la scénariste, profitant de vides dans les connaissances historiques, installe adroitement les éléments de sa fiction.
La princesse Neith, pour échapper à la couche de son père, et Sennedjem, son demi-frère, ont fui le royaume de Pharaon. Capturés, ils sont vendus comme esclaves à Babylone. Neith devient la suivante de Shamhat, la favorite d’Amel-Marduk, le prince-héritier.
Sennedjem est devenu le Roi de paille, un titre qui cache un sinistre rituel. Il est là pour endosser la malédiction, en lieu et place du roi, quand l’alignement des étoiles est néfaste. La malédiction disparaît en le sacrifiant.
Neith, aidé par Shamhat, sauve son frère le jour du sacrifice en le remplaçant par un autre esclave destiné à être exécuté. Alors qu’elle s’apprête à le rejoindre, une petite fille de Shamhat la suit. Neith sacrifie sa liberté.
Amel explique à Shamhat que rien en changera entre eux après son mariage avec Ladiocée, la princesse Mède, âgée de douze ans. C’est à son père qu’il expose son point de vue, sur ce qu’il considère comme un mariage politique. Il ne touchera pas à la jeune princesse. Mais, cette conversation est entendue par le diplomate du royaume Mède. Il menace alors le roi de Babylone d’une rupture des relations diplomatiques si Ladiocée ne donne pas rapidement des héritiers. De plus il exige la disparition, pour le jour du mariage, de Shamhat et ses filles.
Ils ourdissent un plan qui va lier les deux royaumes par le meurtre comme par le mariage…
La grande Histoire n’a rien retenu des circonstances de la mort de ce roi, survenue en 562 avant J.-C. Il a pu décéder de maladie, d’un infarctus, des suites d’une… malédiction. Ces peuples avaient développé nombre de croyances, de superstitions qui gouvernaient leur vie et qu’on peut, aujourd’hui, trouver ridicules. Ils avaient toutefois l’excuse de n’avoir que très peu d’informations sur le cosmos, sur le fonctionnement de la planète Terre…
Aujourd’hui, bien qu’il reste des domaines incomplètement explorés, la connaissance aurait dû balayer toutes croyances, toutes superstitions. Or, elles pullulent et même croissent et embellissent. Dans ce cadre historique, soutenu par une documentation précise et sur les connaissances actuelles en la matière, Isabelle Dethan intègre une intrigue subtile, habile, fait croître une tension, place les deux principaux interprètes dans des situations dangereuses.
Avec ces planches réalisées selon la technique de l’aquarelle, la dessinatrice-coloriste conçoit des pages riches en teintes chaudes, lumineuses. Les personnages et les décors, même esquissés ont une forte présence, s’imposent dans les vignettes.
Une carte de la région figure au dos de la couverture et un glossaire éclaire quelques points sur l’époque avant le verso.
Ce nouvel album de l’auteure, après La Fille de Pharaon (Dargaud – 2020) révèle une fois encore son talent à mettre en scène, dans un cadre historique le plus réel possible, un récit palpitant porté par des personnages qui retiennent l’attention.
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serge perraud
Isabelle Dethan (scénario, dessin, couleur), Le Roi de paille – t.02 : Le Couronnement de la reine morte, Dargaud, janvier 2021, 56 p. – 14,50 €.