À quoi tient le déroulement de l’Histoire…
Le 9 novembre 1938, à Munich, un homme armé d’un pistolet se rend au stade pour une cérémonie de commémoration. À son voisin qui l’interroge, il se présente comme journaliste de La Gazette de Lausanne. Quand Hitler, entouré de sa garde, passe aux pieds des gradins, il remet son arme dans sa poche, la distance est trop grande.
À Berlin-Est, fin 1955, au Berliner Zeitung, Wolf Fiala, nouvellement recruté, distribue le courrier aux journalistes. Le rédacteur en chef butte dans son chariot et s’étale. Alors que Wolf va se faire incendier, Guntram Muller, le journaliste “société”, le défend. Puis, il lui propose d’aller prendre l’air et de recevoir sa première leçon de journalisme, après que Wolf lui a avoué ses ambitions. Il l’emmène à l’Ouest assister à une demande de cassation de la sentence de mort prononcée par le tribunal du peuple le 18 décembre 1939.
Ce procès vise à réhabiliter la mémoire de Maurice Bavaud, un jeune Suisse qui a tenté, à deux reprises, de tuer Hitler. La cassation rejetée, Guntram propose au père de Maurice de faire appel. Il se présente comme témoin avec des éléments nouveaux. À l’époque, il était inspecteur à la Kriminal-Polizei de Berlin. Il avait été chargé par le tribunal d’éclairer certains faits. Et il entraîne Wolf dans sa quête, le chargeant de missions d’investigation…
Patrice Perna, qui apprécie les récits de fiction-historique, a découvert le personnage dans un roman de Philip Kerr. Ce romancier est l’auteur, entre autres, de La Trilogie berlinoise portée par Bernhard “Bernie” Gunther, un inspecteur de police contraint de démissionner en 1936 par le régime. Il devient enquêteur privé mais son talent intéresse les nazis qui le contraignent à mener des enquêtes pour eux.
En quelques lignes, dans un roman, Kerr évoque Maurice Bavaud laissant le soin, comme il le faisait souvent, à ses lecteurs d’approfondir eux-mêmes des informations distillées. C’est ainsi que Patrice Perna a fait connaissance avec ce personnage authentique et son parcours au potentiel narratif riche et intéressant.
Maurice Bavaud est un jeune Suisse qui a voulu supprimer Hitler en 1938. Il a pu, par deux fois approcher sa proie, mais les circonstances ne lui ont pas permis d’aller au terme de son geste. Il est arrêté, pour un fait mineur, jugé et exécuté. Quelles étaient ses motivations ? A-t-il agi seul, de son plein gré ? Autant de questions que se posent le journaliste et son élève.
Pour suivre et faire découvrir le parcours de ce jeune homme, le scénariste met en scène deux personnages, Guntram Muller et Wolf Fiala. Si le premier a un passé mouvementé le second approche le métier de journaliste et ambitionne de se hisser à la hauteur d’un Albert Londres. Au cœur d’un système communiste féroce, le personnage de Guntram détonne par sa liberté de pensées et sa faculté à les exprimer. Ils vont fouiller le passé, rechercher les liens noués, les rapports entretenus pour expliquer les raisons de ses gestes, lui, le jeune homme timide, issu d’une famille modeste.
C’est Francisco Ruizge qui œuvre, avec un trait réaliste, à mettre cette histoire en images. Il exprime parfaitement le contexte, restitue l’époque par les accessoires, vêtements et moyens de transport. Ses décors, très présents, sont détaillés et organisent la lecture du récit.
Les couleurs de Delf réussissent à faire vibrer l’atmosphère sombre, froide, terne de cette année 1955, dans un pays qui n’avait rien de riant.
Un récit historique conté avec rythme et suspense qui sort de l’ombre un personnage ordinaire.
découvrir un extrait
serge perraud
Patrice Perna (scénario), Francisco Ruizge (dessin), Delf (couleur), La part de l’ombre – t.01 : Tuer Hitler, Glénat, coll. “24x32”, janvier 2021, 56 p. – 14,50 €.