Un huis clos… physique et mental
L’auteur renoue avec le crime en chambre close, le plus célèbre étant Le mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux. Mais ce genre de littérature policière — voir les nombreux résumés détaillés qui en sont présentés sur lesresumes.com - qui a eu un énorme succès avec des ténors comme Paul Halter et John Dickson Card est tombé quelque peu en désuétude.
On ne peut que se réjouir de le voir réapparaître en pleine forme.
En préambule, à Annecy, un homme tente d’échapper à ses poursuivants après avoir placé une grosse enveloppe dans une consigne automatique.
Jeanne Ricœur est au cimetière des Îles où elle assiste à la mise en terre de son père adoptif, un policier. Elle-même est entrée dans la police. Elle revoit des moments de sa vie, des souvenirs remontent et elle se sent mal, dans une vie erratique. L’ami de son père, le commissaire Frank Ruffier, tente de la protéger, comme Davy, son équipier, un colosse martiniquais. Alors qu’avec Davy, elle vient, non sans mal, d’appréhender un dealer, elle reçoit un appel de Ruffier qui a un cas intéressant pour elle.
Lorsqu’elle arrive sur les lieux, un bâtiment luxueux portant le nom d’Harmonia, elle est accueillie par Nathalie Hauteville, la directrice qui la guide jusqu’au foyer où elle voit… un pendu. Il s’agit de Marcus Kempf, quarante-cinq ans. Il était atteint d’amnésie antérograde, comme tous les patients soignés ici. Ils étaient huit dans le foyer, la porte était fermée de l’intérieur. Un pensionnaire a voulu prévenir. Il a sauté par la fenêtre, s’est blessé, mais le temps de faire le tour du bâtiment, il avait oublié pourquoi il était dehors.
Il y a huit témoins… qui ont tout oublié des événements qui se sont déroulés sous leurs yeux… Dans la chambre de Marcus, c’est une mer de post-it, de mémos. Pourtant, l’un d’eux attire l’attention. Avec des lettres découpées, il est écrit : « souviens-toi ou meurs ». Commence alors pour Jeanne et Davy, une enquête hors-norme. Mais, très vite on la menace…
Arnaud Delalande a été repéré par Françoise Verny, une des meilleure éditrices que la Terre a portées. Elle le fait débuter à vingt-huit ans chez Grasset. Depuis, il mène une carrière fertile entre des romans aux thèmes peu communs, scénarii de bande dessinée et musique.
Le romancier utilise comme un des éléments de son intrigue l’amnésie antérograde, une pathologie qui engendre des difficultés à acquérir des informations nouvelles, qui occasionne des problèmes pour retenir des informations récentes. Il présente, ici, des cas graves car leur capacité de mémorisation immédiate ne dépasse pas six minutes. Comment, alors, dans un local fermé, devant huit personnes, un meurtrier a-t-il pu assassiner par pendaison ? L’hypothèse du suicide est tout aussi improbable.
Les deux héros du roman, Jeanne et Davy, vont devoir reconstituer un véritable puzzle avec les éléments disparates, le nombre très important d’informations parcellaires laissées par la victime et trouver le mode opératoire de l’assassin et surtout, les mobiles de celui-ci. Pourquoi avoir voulu tuer cet ex-comptable ?
Si Davy semble avoir une santé physique et mentale solide, ce n’est pas le cas de Jeanne qui possède ses propres démons, des souvenirs qui lui occasionnent un mal-vivre. De plus, le romancier, qui n’est pas tendre avec son héroïne, la place en plein deuil de son père adoptif, un homme qui avait su l’apprivoiser et lui donner une stabilité, stabilité cependant quelque peu remise en cause à l’adolescence.
Si le début de l’histoire s’attarde quelque peu sur les souffrances de l’héroïne aux prises avec des souvenirs douloureux, l’auteur se rattrape et mène le reste de son récit avec fougue. Et Arnaud Delalande qui use astucieusement de scandales récents, voire en cours, donne un récit superbe, avec une intrigue retorse, subtile, en tension.
serge perraud
Arnaud Delalande, Memory, cherche midi, coll. “Thriller”, janvier 2021, 318 p. – 18,00 €.