Cédric Simon & Éric Stalner, L’Oiseau Rare – t.02 : “La grande Sarah”

Prêts à tout pour atteindre leur rêve

Dans la Zone, autour d’Eugé­nie et de son grand-père, gra­vitent Constan­tin, Lucien et Tibor, un colosse ancien domp­teur. Ce petit groupe sur­vit de menus lar­cins et de filou­te­ries. Cepen­dant, il a   un but com­mun, réa­li­ser le rêve de la petite fille, recons­truire L’oiseau Rare, le caba­ret où ses parents ont trouvé la mort quand il a été détruit par les flammes.
Son grand-père, avant de mou­rir, a offert deux places de théâtre à Eugé­nie pour qu’elle voit son idole, la grande Sarah Bern­hard. En sor­tant, elle impro­vise une scène d’Ham­let impres­sion­nant ceux qui l’écoutent. L’actrice qui sur­vient, la rabaisse mais l’embauchera si elle est capable de réci­ter le long mono­logue de Figaro

Tibor sort de la pri­son où il était incar­céré, accusé d’avoir volé les ani­maux d’un cirque.
Eugé­nie, bien déci­dée à rele­ver le défi est à la sor­tie du théâtre. Sarah la recon­naît et, après quelques vers lui donne rendez-vous.
Constan­tin, dans un café, fait des tours de cartes qui impres­sionnent son voi­sin. Son frère arrive, catas­tro­phé. La par­tie pré­vue, où il y avait beau­coup d’argent à se faire, est annu­lée par la défec­tion d’un joueur…
Lorsqu’Eugénie se pré­sente, elle est embau­chée comme… domes­tique.
Constan­tin et son voi­sin de table font équipe et écument les salles de jeu. D’étranges mani­gances se mettent en place…

Ce dip­tyque raconte la pour­suite d’un rêve et l’enchaînement des actions pour ten­ter de le réa­li­ser. Il a d’abord pour cadre la Zone, ce bidon­ville pari­sien où ont trouvé refuge les gens du peuple chas­sés par la spé­cu­la­tion immo­bi­lière due à la restruc­tu­ra­tion de la ville par Hauss­mann. Puis, ce sont les hôtels par­ti­cu­liers des quar­tiers hup­pés, le petit palais où vivait Sarah Bern­hard au som­met de sa gloire. Celle-ci a régné pen­dant des décen­nies sur le réper­toire clas­sique. Elle pré­fi­gure ces vedettes inter­na­tio­nales, fai­sant des tour­nées triom­phales sur tous les conti­nents.
Si l’on prête à Alexandre Dumas cette des­crip­tion à ses débuts : “Une éponge sur un manche à balai”, Jean Coc­teau inven­tera pour elle l’expression de “monstre sacré”. Mais les scé­na­ristes montrent sur­tout la femme qu’elle était, une per­sonne par­ti­cu­liè­re­ment auto­ri­taire, voire tyran­nique, mépri­sante, pri­vi­lé­giant un affreux roquet servi comme un prince.

Les auteurs tissent une belle intrigue autour de ces deux femmes, la petite Eugé­nie et la grande Sarah, une intrigue aux res­sorts sophis­ti­qués met­tant en scène des sen­ti­ments inat­ten­dus. Le récit est mené avec brio et adresse jusqu’à une chute brillante dans tous les sens du terme.
C’est à Éric Stal­ner que l’on doit le des­sin. Que dire de l’œuvre de ce créa­teur hors-pair ? C’est tou­jours aussi beau, aussi réa­liste, détaillé tant pour la magni­fique gale­rie des pro­ta­go­nistes que pour les décors. Le talent d’Éric Stal­ner est intact et c’est tou­jours un régal pour les yeux que par­cou­rir ses planches.

Portée par Flo­rence Fan­tini, la mise en cou­leurs se hisse à la hau­teur du des­sin. Elle res­ti­tue les teintes en usage à l’époque où les cou­leurs vives étaient peu cou­rantes et sur­tout pas acces­sibles aux gens du peuple. Elle fait vibrer l’ambiance des lieux et de l’époque.
L’oiseau Rare est un dip­tyque que l’on a grand plai­sir à décou­vrir tant l’histoire est intri­gante et inat­ten­due, avec un gra­phisme à la hau­teur du sujet.

lire un extrait

serge per­raud

Cédric Simon (scé­na­rio), Éric Stal­ner (scé­na­rio et des­sins), Flo­rence Fan­tini (cou­leurs), L’oiseau Rare – t.02 : La grande Sarah, Bam­boo, coll. “Grand Angle”, jan­vier 2021, 64 p. – 14,90 €.

 

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